samedi 24 mai 2014

1476. Ep6. Eté indien.




L’été en la cour de France avait été réjouissant et distrayant pour les membres de la cour ducale. François II était quand même inquiet pour son héritier. Jean VI n’avait pas fait bonne impression sur la noblesse française. Perçu comme un original amoureux des arts et des lettres, il s’était trop absorbé dans les trésors italiens ramenés par Michel Landais. Les Français avait pris cela pour du dédain. Seuls Louis XI, Anne et Pierre de Beaujeu avaient apprécié son jeune enthousiasme et sa conversation. Louis XI l’avait même complimenté sur ses connaissances politiques et sa compréhension des puissances européennes. Le roi avait secrètement engagé son chambellan Philippe de Commynes à trouver un parti français pour Jean VI. Renforcer les liens avec la Bretagne restait une des priorités royales et Jean VI était une cible toute trouvée pour renforcer l’influence française dans le duché breton. Alors que tous s’amusaient, le Duc et le Roi tinrent quelques conseils discrets. Le duc fit part de ses inquiétudes sur l’absence d’enregistrement du traité interdisant l'ingérence du parlement de Paris en ses affaires et obtint le payement des derniers arriérés de soldes de ses mercenaires. Tout de velours, le roi promit d’accentuer sa pression sur les parlementaires parisiens et offrit son appui diplomatique pour le mariage de Jean VI. Le duc remercia du bout des lèvres et prit congé. Il voulait rentrer en Bretagne pour présider ses Etats et attendre son second héritier. Enceinte de quatre mois, Gabrielle, la duchesse souhaitait retrouver le calme de sa cour nantaise. La caravane ducale atteignit lors des dernières chaleurs d’aout l’estuaire de la Loire et se vit offrir une entrée par la populace. Le duc exhiba les trésors italiens ramenés par Michel Landais et parcourut les rues avec son fils dont la santé et la curiosité ravirent le petit peuple.
La Porte-Prison à Vannes.
Les Etats de Bretagne de septembre 1476 se tinrent à Vannes et ne furent pas de tous repos. Si Pierre Landais proposa et obtint de l’assemblée l’uniformisation des poids et mesures dans l’ensemble du duché, l’inattendu se manifesta par l’intervention conjointe de deux des Etats. Dans une alliance sans précédent, La noblesse et la bourgeoisie demandèrent la mise en place de foire dans les villes du duché. Si François II réaffirma le droit de toutes ses villes à posséder un marché hebdomadaire, charge à elle d’en assurer la sécurité, il ne conféra qu’aux villes de Nantes, Rennes, Vannes, Carhaix et Morlaix le droit de foire car cela allait lui couter. Il faisait là un pari sur l’avenir commercial du duché. Contre le paiement d’un sauf-conduit, le Duc dut s’engager personnellement à assurer la sécurité des marchands se rendant à ses rassemblements et il dut aussi les exonérer des péages les plus onéreux. En contrepartie, François II se réserva le bénéfice des inscriptions, somme dont le revenu devait financer les gardes qu’il affecterait aux escortes et aux foires. Enfin, il imposa que les bretons aient un tarif préférentiel sur les étrangers. Nantes, Rennes et Vannes obtinrent deux foires annuelles tandis que le duc n'accorda qu’une foire d’été aux deux autres cités. Selon les historiens, les Etats de 1476 établirent un double précédent : Premièrement, Bourgeoisie et Noblesse s’allièrent et parlèrent d’une seule voix. En effet, la régularité de réunions des Etats depuis 1464 avait permis à ces membres d’établir des liens durables et d’échanger idées et connaissances. Il émergea donc des groupes d’influence suffisamment puissants pour peser sur les autres membres de l’assemblée. Deuxièmement, si la nature de la  doléance souligne l’importance grandissante de l’activité commerciale dans les classes urbaines et nobiliaires bretonnes, elle montre surtout le rôle croissant des Etats comme intermédiaire entre les élites sociales et le pouvoir ducal. 
La Foire de Nantes gravure du XIXè siècle.

Enfin, sur les conseils de son chancelier vieillissant Guillaume Chauvin, le duc demanda aux députés de ses états de fournir un effort administratif sans précédent. Par souci de bonne justice, il avait ordonné la compilation des coutumes de Bretagne par ses officiers dans le but d’harmoniser les pratiques judiciaires et appelaient donc les membres les plus illustres de son duché à coopérer pleinement pour faciliter le bon déroulement de cette opération. Les membres des trois ordres réagirent favorablement à cette demande et promirent leur pleine et entière coopération dans une suite de discours ampoulés et interminables qui clôturèrent les Etats. François II regagna Nantes fort heureux de voir ses sujets aller de l’avant.

dimanche 18 mai 2014

1476. Ep5. Où tout change.



Charles le Téméraire, hiver 1476. Partie du dernier portrait fait en la ville de Malines.

Charles le Téméraire atteignit la capitale lorraine au début de l’été. Dés son arrivée, il reçut les échevins pour obtenir la reddition de la ville. Pendant deux heures, il tempêta et menaça les notables de la cité montrant à tous que ses précédents échecs à Neuss, Grandson et Morat avaient renforcés son impatience et son intransigeance. Le visage rouge de colère du duc ne faisait plus le même effet que trois ans plus tôt. Son prestige, son armée et sa fortune avaient disparus au-delà du Juras dans les poches des Suisses. Charles s’était entêté  pour remonter une armée. Engageant le tout venant, vidant les prisons, ses navires et les rues mal famées de ses états, il avait rassemblé 10000 hommes inexpérimentés, mal armés et indisciplinés. Si Charles voyait en eux les dignes descendants de ses flamboyantes compagnies d’ordonnance, ses capitaines désespéraient de cette racaille incapable, juste bonne à piller, violer et détruire les territoires lorrains. Sans artillerie, son armée qui avait peinée à atteindre Nancy en bon ordre, comptait sur le temps pour obtenir la reddition de la ville et sur les moissons pour se réapprovisionner. Echevins et Officiers de Nancy comprirent vite que ce siège tournerait en leur faveur. La garnison était forte, approvisionnée et déterminée. L’encerclement n’était qu’imparfait et leur duc s’activait pour leur porter secours. En effet, à Strasbourg, René de Lorraine rassemblait une armée d’Alsaciens et de Suisses tandis qu’il lançait ses mercenaires bretons sur les arrières du Téméraire. Pierre du Pont-l’Abbé, s’en prit tout l’été aux fourrageurs de Bourgogne et réussit à deux reprises à détourner vers Nancy des convois bourguignons capturés. Rapidement, la situation de Charles se détériora. En raison des escarmouches et de la promiscuité, le nombre de blessés et de malades augmentait chaque jour tandis que l’argent et le ravitaillement se faisaient rares si bien que les désertions se multiplièrent. A la fin aout, Charles n’avait plus que six milles hommes tandis que René passait les Vosges à la tête d’une armée de 14000 professionnels en majorité bretons, suisses et alsaciens.



Les historiens de la période accordent aujourd’hui entre 4000 et 5000 hommes à l’armée du Téméraire quand il rangea son armée en bataille le 5 septembre. Au nord, il s’appuyait sur une forêt tandis qu’au sud un marais protégeait son flanc. Charles attendait l’assaut des Suisses et plaça en réserve ses dernières compagnies d’ordonnance. Lorsqu’il découvrit ce dispositif, René et ses capitaines décidèrent de reprendre la recette de Morat : une attaque de flanc à travers les bois et une diversion face à la position bourguignonne. Une nouvelle fois, ce plan marcha parfaitement et le moral des défenseurs s’écroula rapidement. Sentant ses troupes vacillées sous la pression des Suisses, Charles décida de jouer le tout pour le tout et il chargea à la tête de ses gendarmes d’ordonnance. Mal lui en prit. Ce qui n’était arrivé ni à Morat, ni à Grandson arriva ce jour-là. Le duc fut jeté à bas de son cheval par les Suisses qui ne lui firent point quartier. Sa mort déclencha la panique et les Bourguignons fuirent vers le Sud, vers le marais où Suisses, Bretons, Alsaciens et Lorrains firent grand massacre des piétons du Téméraire. Le soir même, Nancy feta son duc.

René de Lorraine et Pierre de Pont L'Abbé constatent la mort du Téméraire dont le cadavre a été dépouillé par les mercenaires suisses.

Dés la mi-septembre, René était redevenu maître en son duché. Contrat rempli, Pierre du Pont l’Abbé et les Bretons prirent le chemin de l'ouest, bourses pleines de pillages et des derniers deniers du Duc de Lorraine. La nouvelle de la mort de Charles le Téméraire se répandit à la vitesse d'un cheval au galop dans toute l’Europe. Le Grand Duc d’Occident n’était plus. A Tours, Louis XI sauta et dansa de joie à la grande surprise de Philippe de Commynes. A Londres, Edouard IV s’inquiéta de la perte d'un allié. A Vienne, l'Empereur convoqua ses diplomates et son fils Maximilien tandis qu’à Gand, Marie, Duchesse de Bourgogne de 18 ans, se désespérait. Sans armée, sans argent, la Bourgogne était bonne à prendre.

vendredi 25 octobre 2013

1476. Ep4. Bretons en la cour de France

Le long de la Loire, les cortèges de nobles progressaient lentement dans la chaleur de l’été. S’ils étaient habituels dans cette région, leur nombre frappa cette année-là les esprits du val. De l’est venaient la famille des Bourbons et ses clients tandis que l’ouest du royaume et le duché de Bretagne fournissaient maintes maisonnées aux caravanes luxueuses. Parmi les fastueuses compagnies provenant de Lyon, chevauchait Michel Landais à la tête d’une procession de mules et de mulets chargés de lourds ballots de toiles. Ce défilé était escorté par un groupe de mercenaires issus des bandes de Pierre du Pont-l’Abbé. Il devait rejoindre son duc et son père en la cour de France et rentrer en Bretagne dans la troupe ducale. A la St  Jean, cette dernière s’était arrêtée à Ancenis, le duc voulant y inspecter les travaux de la forteresse. Jean l’héritier prit schémas et croquis des défenses et du chantier. Cet intérêt pour la poliorcétique rapprocha père et fils qui s’arrêtèrent dans tous les châteaux, forteresses, forts, fortins et maisons fortes jusqu’à Blois. L’état de la duchesse de Bretagne nécessitait ces arrêts. En effet, à Angers, Gabrielle de Bourbon annonça officiellement sa grossesse. Tout à son bonheur, le duc offrit tout au long de son parcours dons et charités mais aussi agapes et banquets aux habitants du Val de Loire. Il dépensa sans compter au grand dam de Pierre Landais. L’arrivée des Bretons à Blois se fit en grand apparat au son des bombardes, des cornemuses et des trompes militaires. De fort bonne humeur, le duc n’en était pas moins déterminé à manifester sa puissance et son rang.
Scène de Tournois 
Louis XI l’attendait. Il avait séjourné à Blois depuis le printemps. Ses intendants y avaient rénové les appartements et rafraichi la décoration du château et de la ville. Aux moissons, tout était prêt. Les lices et les pavillons étaient dressés dans les prés fraîchement moissonnés au bord du fleuve. La suite du duc s’y installa tandis que celui-ci résidait dans des appartements que lui avait réservés le roi. Aucun monarque d’importance n’avait fait le déplacement. Seuls, les grandes familles de France étaient présentes ainsi que quelques grands noms de la noblesse bretonne. Le mariage était une affaire de politique intérieure chargée de renforcer le pouvoir royal, et non d’affirmer la place de la France sur l’échiquier européen. Pourtant, Louis XI y accordait une telle importance qu’elle intriguait la délégation bretonne. Le duc et ses officiers savaient quels étaient les objectifs de louis XI mais ils ne comprenaient pas où le roi voulait en venir. Pierre Landais trouvait que trop d’argent était dépensé pour ce mariage. Anne de France n’épousait pas un fils de roi, mais un baron. L'universelle aragne devait cacher quelque chose.
Juillet se déroula sans encombre malgré les habituelles disputes de préséance et de rang. Bretons et Bourbons tenaient le haut du pavé dans la cour de Louis XI. La grossesse de Gabrielle de Bretagne suscita, dans le clan bourbon, un regain d’intérêt pour le duché et Pierre Landais réussit ainsi à passer quelques accords commerciaux avec la noblesse auvergnate. Si la canicule qui débuta à la mi-juillet rendit les drapiers malheureux, elle offrit d’abondantes opportunités aux marchands de toiles de lin. Lorsque les dames de la cour découvrirent que Gabrielle de Bretagne faisait ample usage du tissu du Léon dans la confection de ses chemises, elles passèrent de nombreuses commandes auprès des marchands accompagnant la troupe ducale. Avant la fin de l’été, la reine de France et ses dames de compagnie vantaient le lin de Bretagne pour sa légèreté et sa fraicheur.
Nobles à la Chasse. 

Mais c’est le jeune Jean qui intrigua le plus les Français. Ils découvrirent rapidement que le jeune duc s’entraînait avec les mercenaires bretons qui assuraient la garde du roi de France et qu’il préférait le champ de manœuvre à la lice du chevalier. S’il faisait preuve du minimum de courtoisie et de solennité nécessaire à la cour de France, la noblesse française considéra rapidement qu’il avait un comportement singulier, inattendu et fort peu respectueux des valeurs chevaleresque. Intéressé par les arts de toutes sortes, l’héritier retrouva pendant son séjour à Blois son mentor Jean de Rohan qui lui laissa l’accès aux manuscrits et aux machineries qu’il avait rassemblé depuis le printemps. Il disparut ainsi pendant de longues heures chaque jour, esquivant maints jeux, chasses et amusements de la cour. L’arrivée de Michel Landais fut une véritable bénédiction pour le jeune Duc. Le jeune marchand revenait d’Italie avec une pleine caravane de nouveautés. Les bats de ses mules déversèrent un trésor de statues, de monnaies, d’amphores antiques, de tableaux italiens, de parchemins byzantins et de traductions latines. La sculpture romaine captiva la noblesse française et ducale. Mais elle laissa froide le jeune héritier de Bretagne. Avec l’aide de son compère de Rohan, il récupéra un inventaire de la caravane de Michel Landais et arracha au jeune commerçant toutes les œuvres écrites grâce à un cassette lourdement garnie. Deux jours plus tard, François II dut personnellement chercher son fils qui n’apparaissait plus aux festivités proposées par le roi de France, ni ne répondait à ses convocations paternelles. Ils eurent une longue conversation sur l’importance de la diplomatie, sur le rôle d’une cour et sur celui d'un jeune héritier. Le jour du mariage, Jean de Bretagne tint son rang de belle manière malgré les craintes de sa belle – mère. Le soir même, il faisait son premier rapport à son père sur les informations qu’il avait glanées. Il lui annonça que le Duc de Bourgogne assiégeait Nancy.

vendredi 4 octobre 2013

1476.Ep3. Printemps pour Mécontents

Les premiers d’entre eux furent les deux jeunes fils de François de Bretagne. Jean VI, le fils légitime, âgé de 13 ans, vit son emploi du temps chamboulé dés l’annonce du mariage Valois-Bourbon. Les dames de compagnie de Gabrielle de Bourbon le kidnappèrent le matin des premiers bourgeons et le conduisirent auprès de la duchesse. La duchesse avait fait débarrasser une salle du château de Nantes pour y installer une cour factice et on avait engagé un maître de danse pour 4 mois de leçons intensives. Ainsi, le jeune jean dut chaque matin pratiquer quatre heures durant l’art de la discussion, celui de la danse et des bonnes manières. Auprès des dames de Gabrielle, il s’essaya à la parole courtoise déclenchant maints fou-rires et de très rares pamoisons. Ayant perdu sa mère tôt, le jeune héritier manquait de raffinement. Avant le remariage du duc, la présence féminine autour de lui était rare et s’était résumé à quelques servantes mal dégrossies et aux femmes de ses maitres ou des membres de la Confrérie. SI, à Clisson, où siégeait la confrérie, ces dames de Bretagne se voulaient les arbitres du bon goût. A la cour ducale, elles paraissaient toutefois bigotes, précieuses et ridicules par rapport aux dames de compagnie de la duchesse. A la cour de France, elles auraient été l’objet des quolibets de toute la noblesse française. Pour Gabrielle, il n’était pas question que son beau-fils subisse ce genre d’insultes, surtout lors du mariage d’un parent avec une fille de France. Elle avait donc insisté auprès du duc pour policer le comportement de l’héritier. Ainsi, en ce printemps 1476, Jean passa les premiers beaux jours à l’apprentissage ardu de l’élégance et à l’essayage fastidieux de son trousseau de cour et de sa tenue de cérémonie. Pourtant, il ne se présentait pas sans arme à la cour de France. Habile aux armes sans être exceptionnel, bon cavalier comme il sied à tout noble, Jean, âgé de 13 ans, possédait une formation atypique pour l’époque. Il suivait régulièrement des leçons données par des maitres de l’Université. Il savait écrire et lire en latin et en français tout en étant capable de tenir une conversation en breton et il s’intéressait en particulier au droit. Son père ne comprenait pas cet engouement pour les connaissances universitaires mais le tolérait tant qu’étaient remplies les obligations c du jeune duc. Dans cérémonielles et militaires du jeune duc. Dans ces dernières, de petite taille, Jean s’entêtait à affronter plus fort et plus habile que lui. François II louait cet acharnement mais redoutait que les passions de son fils le poussent à l’intransigeance, notamment envers son demi-frère François d’Avaugour. François, Bâtard de Bretagne, avait poursuivi son entraînement militaire auprès de la confrérie. Relégué à Clisson depuis le début de son adolescence, il suivait un enseignement militaire qui allait devenir la base de la formation des officiers des bandes. Latin, Français, Breton n’étaient qu’abordés tandis que mathématiques, fortifications et arts mécaniques étaient au programme. François II comptait faire de son bâtard un des bras armés du duché, le premier ingénieur militaire non italien. Mais, en ce printemps 1476, François d’Avaugour qui avait espéré participer aux réjouissances du mariage Bourbon-Valois, apprit qu’il devait s’embarquer pour l’Irlande. Le duc voulait qu’il y reçoive son baptême du feu sous la direction d’hommes de guerre expérimentés et exemplaires comme les Tudors. Pour faciliter les choses, il lui offrit un nouvel équipement et déclara qu’une bonne épée était forgée aussi dans le sang. François II ne lui confia pas qu’il préférait le savoir loin de la France et de son machiavélique et très fortuné roi qui aurait pu allumer quelques ambitions désastreuses dans l’esprit d’un jeune bâtard influençable. Le roi en question ne débordait pas de joie en ce printemps. Les nouvelles de l’est étaient bonnes mais la venue de Jean de Rohan à Plessis les Tours avait gâché la fin du carême et les fêtes de pâques. Le duc de Bretagne l’avait envoyé renégocier les contrats des bandes. Leur compétence reconnue faisait des mercenaires bretons des hommes recherchés. Louis XI leur faisait autant confiance qu’aux suisses et les considérait bien plus solide que ses francs-archers. Mais, à partir du mercredi des cendres, il avait découvert un nouvel aspect des Bretons. Ils étaient durs en affaire. Vantant les réussites des bandes, des corsaires, de la flotte du Ponant et la fidélité du duc de Bretagne, Jean de Rohan négocia le plus âprement qu’il put les nouveaux engagements. Le Roi tenta d’abord de l’acheter en faisant allusion à des titres prestigieux, à des pensions mirifiques ou à des sommes faramineuses. Mais Rohan refusa. Quand Louis passa aux menaces voilées, le vicomte ne fit qu’exprimer, en souriant, son espoir de passer de longues semaines dans ses fiefs, tous hors du royaume de France à attendre la naissance de son deuxième enfant et à régler ses propres affaires. Les instructions du Duc étaient claires. D’une manière ou d’une autre, le roi devait payer toutes les promesses non tenues depuis 1473. Jean devait prendre son temps et récolter au passage un maximum d’informations sur la cour de France. Si certaines vieilles familles le traitaient en privé de maquignon pour sa rapacité commerciale, la réputation de sa famille, ses moyens financiers et son excentricité lui ouvrirent les portes de la noblesse française. Il débuta ainsi une série de correspondances avec des seigneurs d’ile de France, du Maine, de Provence, d’Anjou et d’Auvergne. S’appuyant sur ces sources d’information ainsi que sur la présence de Michel Landais à Lyon, Jean de Rohan envoya chaque semaine, jusqu’à l’été, un courrier en Bretagne. Il y donnait instructions commerciales, conseils de gestion de fiefs et fermes ordres de repos à sa femme. François II, son beau-frère, y lisait, lui, l’état des finances royales, de l’armée française, des factions à la cour de France et l’évolution de la guerre en Bourgogne.. Ainsi, début juin, Jean de Rohan fut le premier à apprendre la chute de Nancy. La garnison bourguignonne n’ayant pas été payée depuis des lustres, se rendit à Renée de Lorraine qui les assiégeait mollement. Louis XI s’en réjouit et décida de profiter de l’occasion. Il accepta les exigences de Jean de Rohan. Louis paya le double pour recruter les bandes. Il voulait absolument des troupes aguerries pour encadrer les piétons français. Lourdement escortée, une caravane achemina l’or français à Nantes. Rohan était encore à la cour de France lorsqu’arriva la St Jean. Dans un très rare accès de sincérité, Louis XI lui demanda ce qu’il désirait pour devenir son homme. Le vicomte lui répondit qu’aucun roi de France ne voudrait lui accorder ce qu’il avait obtenu du duc. Le roi en resta coi.
Banquet au XVè siècle.

jeudi 19 septembre 2013

1476. Ep2. Soie et Brocard sur le Rhône, Fer sur le Rhin.

A Nantes, les invitations au mariage d’Anne de France et de Pierre de Beaujeu parvinrent au duc début février. Il convoqua donc ses Etats pour la mi-septembre et non la mi-aout. Marié à Gabrielle de Bourbon et allié du roi de France, le duc était l’invité des deux familles. Une partie de son été serait donc destinée à suivre les festivités du mariage tout en faisant sa cour au roi de France pour obtenir quelques avantages financiers ou territoriaux. Le duc n’était pas dupe. Cette invitation avait aussi forme de convocation. Dans sa missive, le roi se réjouissait de revoir son allié, sa femme et de découvrir Jean, l'héritier de Bretagne. Louis XI profiterait de ce mariage, pour rassembler et consolider ses alliances. Le maréchal de Rieux et Pierre Landais l’informèrent que les festivités serviraient aussi à repérer et taire les mécontents à la cour de France. Manifestation de la puissance royale, cette cérémonie serait aussi un gouffre financier pour les familles nobles qui se devaient d’y participer et d’y apparaître sous leurs meilleurs atours. Les dépenses somptuaires que les nobles devraient réaliser pour tenir leurs rangs permettraient au roi de découvrir les ambitieux et les orgueilleux mais aussi de diminuer les réserves financières de tous ses turbulents vassaux. De Lyon, Michel Landais avait d’ailleurs prévenu son père que les marchands et les représentants des banquiers italiens étaient devenus les coqueluches de la noblesse d’Auvergne et que l’or génois, florentin ou vénitien changeait de main pour passer dans celles des drapiers et des tailleurs qui croulaient sous les commandes. Cet or invariablement revenait aux représentants des cités marchandes qui fournissaient aux artisans et joailliers, les brocards, les soies et les perles nécessaires à la confection des nouvelles robes et des nouveaux pourpoints. La noblesse empruntait à tour de bras et commandait sans compter pour embellir ses costumes de fêtes. Michel Landais donnait aussi quelques vagues informations sur les opérations en Alsace que René II de Lorraine avait ralliée à sa cause.
René II de Lorraine (reconnaissable à la croix de cette région) et ses piétons.

Pierre Du Pont l’Abbé était bien plus précis dans ses rapports au Maréchal de Rieux. Il y passait au crible les différentes phases de sa campagne d'automne en Alsace et de ses raids hivernaux en Franche-Comté. Accueilli à bras ouvert par les citadins rhénans, René II rassemblait une armée sur les bords du Rhin. Il espérait passer à l’offensive en Lorraine au printemps et libérer son fief à l’été. Sous les ordres de Pierre du Pont-l’Abbé, Les cavaliers bretons avaient mené deux chevauchées en Franche-Comté. Utilisant leur mobilité, ils passaient rapidement de vallée en vallée, surprenant les troupes bourguignonnes, menaçant les châteaux et pillant les villages. Les garnisons franc-comtoises éparpillées et réduites par les prélèvements de l’année précédente, se terraient dans leurs fortifications et laissèrent Pierre du Pont-l’Abbé battre la campagne comtoise en toute liberté. Dans sa dernière missive, il informait le maréchal de ses succès et de développements inattendus dans les cités rhénanes. Quelques mercenaires suisses y avaient entraîné les milices urbaines tentant de leur donner un semblant de valeur militaire. Or, les Alsaciens s’étaient pris au jeu et malgré le temps exécrable de la fin de l’hiver, s’acharnaient pour suivre convenablement les ordres des vainqueurs de Morat. De plus, les élites urbaines s’intéressaient de plus en plus au système de gouvernement des cantons helvétiques tandis que le duc d’Autriche avait toujours mauvaise réputation auprès des citadins. Malheureusement, le soutien helvétique se faisait attendre car les cantons discutaient des suites à donner à la victoire de Morat. Les cantons de l’est craignaient le retour du duc d’Autriche et l’expansion de Berne tandis que ceux de l’ouest menés par les Bernois voulaient définitivement écraser le Téméraire. Les débats se poursuivaient à Zurich depuis la noël et étaient au point-mort. Des envoyés de Louis XI étaient annoncés.


Lors du conseil de guerre du 27 mars, à Clisson, le nouveau Vice-chancelier Jean II de Rohan présenta des informations venant de ses contacts à Anvers et à Lyon. Le duc de Bourgogne avait parcouru ses fiefs pour obtenir des écus et rassemblait dans le sud une armée. Il avait convoqué ses Etats de Bourgogne à Dijon et leur avait tenu un discours fort patriotique et fort alarmant sur la montée en puissance des Suisses et de leurs perfides alliés allemands, traitres à leur duc. Les élites bourguignonnes avaient alors convenu de financer la défense de leurs frontières à hauteur de 6000 livres tournois par mois et ils demandèrent à Charles de fournir des capitaines à leurs garnisons et de renforcer la Franche-Comté. L’armée qui se rassemblait à Salins n’était plus aussi formidable que celle des années précédentes. Si les compagnies d’ordonnance du duc étaient en nombre, elles restaient incomplètes. Piétons, artilleurs et canons manquaient. Pendant l’hiver, le duc avait envoyé ses lieutenants recueillir les fuyards de Morat. 6000 hommes se présentèrent qu’il fallut rééquiper. Les nouveaux contingents de Flamands et de Picards tardaient à arriver et les détachements, pour renforcer les garnisons franc-comtoises, avaient affaiblis sa force principale ainsi que les troupes occupant la Lorraine. Les diversions de Pierre Du Pont l’Abbé avait porté leurs fruits. Enfin, le manque d’espèces irrita les mercenaires. Le capitaine Campobasso exigea que le duc tienne ses promesses mais les boues de l’hiver retardaient les transferts de fonds. A la fin février, de Bruges, Tommaso Portinari, le représentant de la banque des Médicis, fit parvenir des lettres de change à Pontarlier où Charles avait installé son armée pour surveiller les Suisses. Cette arrivée calma les querelles d’autant plus que le duc promit une augmentation des soldes. Mais cela coïncida avec l’annonce de la chute d’Epinal. Le 21 février, René II avait repris la ville vosgienne et s’efforçait d’installer des troupes fidèles dans toutes les garnisons que les Bourguignons avaient délaissées. Inexplicablement, le duc ne bougea pas.
Epinal au moyen-âge. source : http://patrimoine-de-lorraine.blogspot.fr

samedi 14 septembre 2013

1476. Ep1. Noces et désaccords


La nouvelle année débuta par un événement heureux en la cours de France. Louis XI fiançait sa fille Anne. Le vieux roi avait longuement pesé le pour et le contre dans les multiples possibilités d’alliance qui lui donnait cet enfant. Il avait choisi celle qui renforçait le plus le pouvoir royal et qui n’accordait ni prestige ni finances à des puissances étrangères. De plus, il avait sécurisé par cette promesse de mariage sa succession. Louis se savait vieux. Un accident, un assassinat ou une maladie pouvaient le frapper à tout moment. Cette cérémonie lui avait gagné le soutien d’un des clans les plus puissants de la cour de France. Anne ne serait pas reine mais il espérait qu’elle serait régente et qu’elle protègerait son jeune frère. Dans une longue discussion, il lui avait expliqué les tenants et les aboutissants de cette alliance et elle s’était inclinée de bonnes grâces. Le roi savait maintenant avoir vu juste. Sa fille était une politicienne. Elle avait compris que derrière les basses manipulations diplomatiques de son père se cachait une volonté inébranlable de faire du royaume un roc qu’aucune puissance étrangère ou intérieure ne viendrait ébranler. Elle avait adopté ses vues et le roi la promit à un des hommes les plus brillants de sa cour, homme d’âge mur capable de rivaliser avec l’esprit de sa jeune fille mais aussi de la soutenir dans la défense du royaume.
Anne de France, âgée de 15 ans, lors de ses fiançailles, triptyque de Jean Hey.
En effet, si les succès suisses avaient diminué la menace bourguignonne et donc renforcé le prestige de la France, la politique intérieure de Louis créait maints mécontentements dans la noblesse. Il s’échinait à rogner leurs pouvoirs pour renforcer le sien. La grogne se multipliait et ce qu’on disait, il y a 5 ans, dans les alcôves se disaient maintenant ouvertement dans les salons des grands du royaume. Le roi empiétait trop sur les droits de la noblesse, il était trop puissant, il exigeait trop de services et donnait trop peu. Et surtout, il était vieux. Récemment, des rumeurs avaient courus sur sa sénilité. Mais de tous les bruits, les plus persistants étaient ceux qui faisaient état de sa vilénie, de sa rouerie et de son manque d’esprit chevaleresque. Ses opposants attendaient sa mort pour profiter d’une régence durant laquelle le pouvoir royal serait nécessairement affaibli. Heureusement, ces fiançailles réunissaient la monarchie et la famille la plus riche de France. Anne allait épouser un Bourbon, clan qui contrôlait l’Auvergne et qui pouvait faciliter ou limiter les accès à la partie méridionale du royaume de France. De plus, cette alliance permettait à Louis XI de renforcer sa position au centre du royaume et de récompenser un de ses officiers les plus brillants : le Sire de Beaujeu.
Pierre Sire de Beaujeu, Comte de La Marche, Vicomte de Carlat et de Murat puis à partir de 1488, Duc de Bourbon, Duc d'Auvergne, Comte de Clermont, Comte de forez et Prince de Dombes, âgé de 38 ans. triptyque de Jean Hey

François II de Bretagne et Guillaume Chauvin avait longtemps espéré que la fille de Louis serait promise à Jean. Si le duc et son chancelier avaient fait des ouvertures sérieuses au sujet de ce mariage, Louis XI avait toujours évité de répondre grâce à son génie de l’esquive diplomatique. François II n’avait donc pas fondé de grands espoirs sur cette possible alliance. Pourtant, cela le vexa  et il se souvint d’un coup de toutes les couleuvres françaises qu’il avait dues avaler depuis deux ans. Malgré les promesses royales et le traité des estuaires, le parlement de Paris tentaient toujours de s’immiscer dans le affaires ducales tandis que les normands et les bordelais perturbaient régulièrement le commerce breton par les estuaires français. Irrité, il décida de ne pas renouveler l’alliance avec la France après la chute du téméraire et d’attendre les ouvertures de Louis si celui-ci voulait prolonger leur entente.

L’échec de ses actions diplomatiques diminua l’influence de Guillaume Chauvin à la cour de Nantes tandis que Pierre Landais devenait peu à peu la puissance à courtiser. Rohan, les amiraux et les marchands soutenaient ses efforts à l’intérieur du duché car il privilégiait l’essor économique et maritime dans un but d’indépendance financière. Mais ils s’opposaient à sa volonté d’indépendance politique. Tant que Louis alimenterait le duché en subsides, la position des amiraux et des officiers des bandes ne ferait que se renforcer en Bretagne. L’influence française restait grande, même si elle tendait à se limiter. En Bretagne, l’administration, l’agriculture, le commerce et les proto-industries continuaient à se développer et le duché gagnait en prospérité. Une partie de la noblesse possédait des fiefs en France et en Bretagne. Leurs terres bretonnes produisaient de plus en plus de richesses. A l’inverse, leurs seigneuries françaises, écrasées sous les nouveaux impôts royaux et bloquées dans leur développement par les coutumes françaises, devenaient des fardeaux pour leurs finances. Alors que dix ans auparavant, ces hommes préféraient séjourner en la cour de France, ils résidaient de plus en plus longtemps auprès du duc qui certes avaient moins de possibilités de les récompenser mais où, la coutume bretonne aidant, ils pouvaient profiter de plus d’opportunités économiques et commerciales. Enfin, dans le duché, la surveillance était bien moindre que dans le royaume de France où les agents officiels et officieux du roi reportaient à l’universelle aragne tous les faits et gestes de ses vassaux. Ainsi, la noblesse franco-bretonne changeait peu à peu et se désolidarisait lentement de la cour de France d’autant plus que le duché devenait un des laboratoires de la Renaissance. Le retour du fils de Pierre Landais allait précipiter les choses.

vendredi 16 août 2013

1475.Ep5. Europe du Nord des côtes de l'Irlande à la Flandres bourguignonne.

En Ulster, au printemps 1475, l’arrivée de Jasper Tudor et de sa flotte chargée de blés français et bretons permit de rallier la population affamée au nouveau pouvoir tandis qu’Henry Tudor lançait ses troupes à l’assaut des dernières terres rebelles de l’Ulster. Sa cavalerie mena une campagne mobile et agressive. Renseignés par un membre du clan O’Neill résidant à Londonderry, les chevaliers lancastres capturèrent Henry O’Neill, monarque de Tyrone, le 14 juin. Quatre jours plus tard, à Armagh où les Tudors avaient installé leur quartier général, Henry décapita lui-même son homonyme du Tyrone tandis que sa garde se chargeait d’exterminer la branche régnante des O’Neill. Hommes, femmes et enfants furent décimés. Henry Tudor acquit ainsi une nouvelle couronne et une nouvelle province pour sa seigneurie d’Irlande. Début juillet, il se rendit à Limerick et décida avec le roi du Desmond de commencer une campagne contre le monarque du Connaught, Eoghan O’Connor. Ce chef du clan ne se rendit pas facilement. Pour obtenir sa soumission, il fallut non seulement deux mois de campagne sanglante mais aussi que les mercenaires bretons au service des Tudors écrasent les Gallowglass de sa garde lors de la bataille de Galway du 21 juillet. Dés août, l’indépendance du Connaught était une cause perdue et les ralliements se firent de plus en plus nombreux au cours de l’été. Ecrasé par la puissance militaire du Lord of Ireland, Eoghan O’Connor dut négocier. Henry exigea qu’il lui fasse hommage et qu’il lui abandonne son titre de roi pour celui d’Earl of Connaught, et qu’il lui cède définitivement Galway, principal centre de commerce dans la province. En novembre, il convoqua le parlement d’Irlande pour la nouvelle année et il envoya un nouveau message au légat du Pape en France pour l’inviter sur le sol irlandais. Il attendait toujours l’accord de sa sainteté pour le port du titre de Seigneur d’Irlande.

En Angleterre, les rapports concernant les corsaires irlandais se multipliaient sur le bureau du chancelier et inquiétaient de plus en plus le frère du roi, Richard duc de Gloucester. Les littoraux de ses territoires du nord étaient vulnérables à ces attaques qui s’ajoutaient aux raids des Ecossais. Ces derniers se mirent aussi à pratiquer la course en mer d’Irlande puis en Mer du Nord. Ils trouvèrent une cible de choix dans les navires anglais assurant le commerce avec les Flandres et la Baltique. Peu à peu, les commerçants et armateurs anglais perdaient leurs navires d’autant plus que les prises étaient souvent réarmées en corsaires dans les ports écossais et irlandais. Si Jasper Tudor ne réalisa aucun raid d’envergure sur le territoire anglais, il tenta de maintenir un blocus dans le Bristol’s Channel ainsi que sur le littoral du Yorkeshire. Dans le pays de Galles, les opposants d'Edouard IV se multipliaient grâce aux subsides généreusement distribués par Japser et la révolte couvait. L’affaiblissement de la flotte rendit compliquée la défense des échanges avec le continent et Edouard IV concentra ses navires sur les routes commerciales les plus rentables : celles avec la Baltique et avec les Flandres. Malheureusement, cela laissait la Manche et la mer d’Irlande à la merci des Lancastres et des corsaires écossais. A partir de l’été, les marchands des comtés de l’ouest organisèrent des convois armés pour assurer la sécurité de leurs exportations. Leurs bénéfices diminuèrent d’autant et la grogne s’installa dans les ports anglais de l’ouest. A St Malo, au contraire, même si les bénéfices de la course diminuaient, les entreprenants armateurs se firent constructeurs navals pour remplacer leurs anciens navires par des carvels. Les vieilles coques furent judicieusement vendues en Irlande et en Ecosse, renforçant leurs capacités navales.

En mer du nord, la moitié de la Grande Escadre de Bretagne se rendit à Copenhague et escorta les navires de la Hanse vers les Flandres. Puis, elle mena campagne contre la piraterie endémique en Manche. Privilégiant l’alliance avec l’Irlande, l’escadron breton repoussa les attaques des pirates anglais, brûla quelques uns de leurs navires mais ne mit pas fin au problème d’autant plus que certains normands reprirent cette pratique. En effet, les armateurs et marchands de Normandie mécontents du traité des estuaires financèrent quelques navires pour miner la domination bretonne sur le commerce est-ouest de la Manche. Mais la Grande Escadre avait ordre de libérer les côtes françaises et bretonnes de toute entrave au commerce maritime si bien que quelques navires d’origine douteuse brûlèrent dans la baie de somme et quelques marins parlant français furent envoyés à Groix, promue île pénitentiaire. Louis XI reçut maintes lettres de protestation de Rouen et de Harfleur. Mais bien trop occupé par les affaires de Bourgogne et désirant conserver l’alliance bretonne, il ne donna pas suite à cette affaire. 
Harfleur, port royal au Moyen-âge. source : patrimoine-normand.com