jeudi 19 septembre 2013

1476. Ep2. Soie et Brocard sur le Rhône, Fer sur le Rhin.

A Nantes, les invitations au mariage d’Anne de France et de Pierre de Beaujeu parvinrent au duc début février. Il convoqua donc ses Etats pour la mi-septembre et non la mi-aout. Marié à Gabrielle de Bourbon et allié du roi de France, le duc était l’invité des deux familles. Une partie de son été serait donc destinée à suivre les festivités du mariage tout en faisant sa cour au roi de France pour obtenir quelques avantages financiers ou territoriaux. Le duc n’était pas dupe. Cette invitation avait aussi forme de convocation. Dans sa missive, le roi se réjouissait de revoir son allié, sa femme et de découvrir Jean, l'héritier de Bretagne. Louis XI profiterait de ce mariage, pour rassembler et consolider ses alliances. Le maréchal de Rieux et Pierre Landais l’informèrent que les festivités serviraient aussi à repérer et taire les mécontents à la cour de France. Manifestation de la puissance royale, cette cérémonie serait aussi un gouffre financier pour les familles nobles qui se devaient d’y participer et d’y apparaître sous leurs meilleurs atours. Les dépenses somptuaires que les nobles devraient réaliser pour tenir leurs rangs permettraient au roi de découvrir les ambitieux et les orgueilleux mais aussi de diminuer les réserves financières de tous ses turbulents vassaux. De Lyon, Michel Landais avait d’ailleurs prévenu son père que les marchands et les représentants des banquiers italiens étaient devenus les coqueluches de la noblesse d’Auvergne et que l’or génois, florentin ou vénitien changeait de main pour passer dans celles des drapiers et des tailleurs qui croulaient sous les commandes. Cet or invariablement revenait aux représentants des cités marchandes qui fournissaient aux artisans et joailliers, les brocards, les soies et les perles nécessaires à la confection des nouvelles robes et des nouveaux pourpoints. La noblesse empruntait à tour de bras et commandait sans compter pour embellir ses costumes de fêtes. Michel Landais donnait aussi quelques vagues informations sur les opérations en Alsace que René II de Lorraine avait ralliée à sa cause.
René II de Lorraine (reconnaissable à la croix de cette région) et ses piétons.

Pierre Du Pont l’Abbé était bien plus précis dans ses rapports au Maréchal de Rieux. Il y passait au crible les différentes phases de sa campagne d'automne en Alsace et de ses raids hivernaux en Franche-Comté. Accueilli à bras ouvert par les citadins rhénans, René II rassemblait une armée sur les bords du Rhin. Il espérait passer à l’offensive en Lorraine au printemps et libérer son fief à l’été. Sous les ordres de Pierre du Pont-l’Abbé, Les cavaliers bretons avaient mené deux chevauchées en Franche-Comté. Utilisant leur mobilité, ils passaient rapidement de vallée en vallée, surprenant les troupes bourguignonnes, menaçant les châteaux et pillant les villages. Les garnisons franc-comtoises éparpillées et réduites par les prélèvements de l’année précédente, se terraient dans leurs fortifications et laissèrent Pierre du Pont-l’Abbé battre la campagne comtoise en toute liberté. Dans sa dernière missive, il informait le maréchal de ses succès et de développements inattendus dans les cités rhénanes. Quelques mercenaires suisses y avaient entraîné les milices urbaines tentant de leur donner un semblant de valeur militaire. Or, les Alsaciens s’étaient pris au jeu et malgré le temps exécrable de la fin de l’hiver, s’acharnaient pour suivre convenablement les ordres des vainqueurs de Morat. De plus, les élites urbaines s’intéressaient de plus en plus au système de gouvernement des cantons helvétiques tandis que le duc d’Autriche avait toujours mauvaise réputation auprès des citadins. Malheureusement, le soutien helvétique se faisait attendre car les cantons discutaient des suites à donner à la victoire de Morat. Les cantons de l’est craignaient le retour du duc d’Autriche et l’expansion de Berne tandis que ceux de l’ouest menés par les Bernois voulaient définitivement écraser le Téméraire. Les débats se poursuivaient à Zurich depuis la noël et étaient au point-mort. Des envoyés de Louis XI étaient annoncés.


Lors du conseil de guerre du 27 mars, à Clisson, le nouveau Vice-chancelier Jean II de Rohan présenta des informations venant de ses contacts à Anvers et à Lyon. Le duc de Bourgogne avait parcouru ses fiefs pour obtenir des écus et rassemblait dans le sud une armée. Il avait convoqué ses Etats de Bourgogne à Dijon et leur avait tenu un discours fort patriotique et fort alarmant sur la montée en puissance des Suisses et de leurs perfides alliés allemands, traitres à leur duc. Les élites bourguignonnes avaient alors convenu de financer la défense de leurs frontières à hauteur de 6000 livres tournois par mois et ils demandèrent à Charles de fournir des capitaines à leurs garnisons et de renforcer la Franche-Comté. L’armée qui se rassemblait à Salins n’était plus aussi formidable que celle des années précédentes. Si les compagnies d’ordonnance du duc étaient en nombre, elles restaient incomplètes. Piétons, artilleurs et canons manquaient. Pendant l’hiver, le duc avait envoyé ses lieutenants recueillir les fuyards de Morat. 6000 hommes se présentèrent qu’il fallut rééquiper. Les nouveaux contingents de Flamands et de Picards tardaient à arriver et les détachements, pour renforcer les garnisons franc-comtoises, avaient affaiblis sa force principale ainsi que les troupes occupant la Lorraine. Les diversions de Pierre Du Pont l’Abbé avait porté leurs fruits. Enfin, le manque d’espèces irrita les mercenaires. Le capitaine Campobasso exigea que le duc tienne ses promesses mais les boues de l’hiver retardaient les transferts de fonds. A la fin février, de Bruges, Tommaso Portinari, le représentant de la banque des Médicis, fit parvenir des lettres de change à Pontarlier où Charles avait installé son armée pour surveiller les Suisses. Cette arrivée calma les querelles d’autant plus que le duc promit une augmentation des soldes. Mais cela coïncida avec l’annonce de la chute d’Epinal. Le 21 février, René II avait repris la ville vosgienne et s’efforçait d’installer des troupes fidèles dans toutes les garnisons que les Bourguignons avaient délaissées. Inexplicablement, le duc ne bougea pas.
Epinal au moyen-âge. source : http://patrimoine-de-lorraine.blogspot.fr

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