En Ulster, au printemps 1475, l’arrivée de Jasper Tudor et
de sa flotte chargée de blés français et bretons permit de rallier la
population affamée au nouveau pouvoir tandis qu’Henry Tudor lançait ses troupes
à l’assaut des dernières terres rebelles de l’Ulster. Sa cavalerie mena une
campagne mobile et agressive. Renseignés par un membre du clan O’Neill résidant
à Londonderry, les chevaliers lancastres capturèrent Henry O’Neill, monarque de
Tyrone, le 14 juin. Quatre jours plus tard, à Armagh où les Tudors avaient
installé leur quartier général, Henry décapita lui-même son homonyme du Tyrone
tandis que sa garde se chargeait d’exterminer la branche régnante des O’Neill.
Hommes, femmes et enfants furent décimés. Henry Tudor acquit ainsi une nouvelle
couronne et une nouvelle province pour sa seigneurie d’Irlande. Début juillet,
il se rendit à Limerick et décida avec le roi du Desmond de commencer une
campagne contre le monarque du Connaught, Eoghan O’Connor. Ce chef du clan ne
se rendit pas facilement. Pour obtenir sa soumission, il fallut non seulement
deux mois de campagne sanglante mais aussi que les mercenaires bretons au
service des Tudors écrasent les Gallowglass de sa garde lors de la bataille de
Galway du 21 juillet. Dés août, l’indépendance du Connaught était une cause
perdue et les ralliements se firent de plus en plus nombreux au cours de l’été.
Ecrasé par la puissance militaire du Lord of Ireland, Eoghan O’Connor dut
négocier. Henry exigea qu’il lui fasse hommage et qu’il lui abandonne son titre
de roi pour celui d’Earl of Connaught, et qu’il lui cède définitivement Galway,
principal centre de commerce dans la province. En novembre, il convoqua le
parlement d’Irlande pour la nouvelle année et il envoya un nouveau message au
légat du Pape en France pour l’inviter sur le sol irlandais. Il attendait
toujours l’accord de sa sainteté pour le port du titre de Seigneur d’Irlande.
En Angleterre, les rapports concernant les corsaires
irlandais se multipliaient sur le bureau du chancelier et inquiétaient de plus
en plus le frère du roi, Richard duc de Gloucester. Les littoraux de ses
territoires du nord étaient vulnérables à ces attaques qui s’ajoutaient aux
raids des Ecossais. Ces derniers se mirent aussi à pratiquer la course en mer
d’Irlande puis en Mer du Nord. Ils trouvèrent une cible de choix dans les
navires anglais assurant le commerce avec les Flandres et la Baltique. Peu à
peu, les commerçants et armateurs anglais perdaient leurs navires d’autant plus
que les prises étaient souvent réarmées en corsaires dans les ports écossais et
irlandais. Si Jasper Tudor ne réalisa aucun raid d’envergure sur le territoire
anglais, il tenta de maintenir un blocus dans le Bristol’s Channel ainsi que
sur le littoral du Yorkeshire. Dans le pays de Galles, les opposants d'Edouard IV se multipliaient grâce aux subsides généreusement distribués par Japser
et la révolte couvait. L’affaiblissement de la flotte rendit compliquée la
défense des échanges avec le continent et Edouard IV concentra ses navires sur
les routes commerciales les plus rentables : celles avec la Baltique et
avec les Flandres. Malheureusement, cela laissait la Manche et la mer d’Irlande
à la merci des Lancastres et des corsaires écossais. A partir de l’été, les
marchands des comtés de l’ouest organisèrent des convois armés pour assurer la
sécurité de leurs exportations. Leurs bénéfices diminuèrent d’autant et la
grogne s’installa dans les ports anglais de l’ouest. A St Malo, au contraire, même si les bénéfices de la course diminuaient, les entreprenants armateurs se firent constructeurs navals pour remplacer leurs anciens navires par des carvels. Les vieilles coques furent judicieusement vendues en Irlande et en Ecosse, renforçant leurs capacités navales.
En mer du nord, la moitié de la Grande Escadre de Bretagne
se rendit à Copenhague et escorta les navires de la Hanse vers les Flandres. Puis, elle mena campagne contre la piraterie endémique en Manche. Privilégiant
l’alliance avec l’Irlande, l’escadron breton repoussa les attaques des pirates
anglais, brûla quelques uns de leurs navires mais ne mit pas fin au problème d’autant
plus que certains normands reprirent cette pratique. En effet, les armateurs et
marchands de Normandie mécontents du traité des estuaires financèrent quelques
navires pour miner la domination bretonne sur le commerce est-ouest de la
Manche. Mais la Grande Escadre avait ordre de libérer les côtes françaises et
bretonnes de toute entrave au commerce maritime si bien que quelques navires d’origine
douteuse brûlèrent dans la baie de somme et quelques marins parlant français
furent envoyés à Groix, promue île pénitentiaire. Louis XI reçut maintes
lettres de protestation de Rouen et de Harfleur. Mais bien trop occupé par les
affaires de Bourgogne et désirant conserver l’alliance bretonne, il ne donna
pas suite à cette affaire.
Harfleur, port royal au Moyen-âge. source : patrimoine-normand.com |