samedi 15 juin 2013

1473-1477. Ep2. Etat et Soldats dans la Bretagne Ducale.

Bastion de Port-François défendant l'entrée du Blavet. 1er exemple de Bastion en Bretagne construit en 1507.

A l’exception de la mise en place des municipalités urbaines, le duc ne prit pas d’ordonnance fondamentale pour son administration. Il n’avait pas les moyens de pensionner plus d’officiers. Il laissa ainsi les « Grands Jours » tels quels, même si Pierre landais déplorait cette faiblesse judiciaire vis-à-vis du parlement de Paris. Les conseils de la cour du duc se stabilisèrent enfin dans leurs pratiques. L’année 1473 fut décisive pour cela. Pierre Landais et Guillaume Chauvin, chef des deux factions opposées à la cour, cherchèrent à obtenir plus de pouvoirs dans ces rassemblements et à caser leurs alliés au plus prêt du duc. François II passa une bonne partie de l’année en arbitrages mesquins mais nécessaires pour la bonne marche des affaires. On sait aujourd’hui qu’il consulta régulièrement son beau-frère Jean de Rohan. Cela permit à François II de maintenir un équilibre entre les francophiles de Guillaume Chauvin et les indépendantistes de Pierre Landais. Derrière le duc se développa une troisième faction qui désirait l’alliance avec le royaume de France et une autonomie politique, économique et judiciaire. Elle était soutenue par ceux qui avaient profité le plus de la prospérité, marchands, petite noblesse, bourgeois, gros paysans et officiers de l’administration. Cette faction considérait que la croissance provenait de deux facteurs : l’accroissement des échanges avec la France grâce au traité des Estuaires mais aussi la proximité du pouvoir avec les forces industrieuses de Bretagne. Ainsi, Ils craignaient qu’un rattachement avec le royaume capétiens mette fin à la prospérité et ils défendaient l’autonomie du duché tout en comprenant que les liens commerciaux avec le royaume étaient devenus indissolubles. Cette 3e faction devint à partir de 1476 la faction dominante dans l’élite qui entourait le duc. Jean de Rohan en prit la tête. En recrutant de nombreux clients de Pierre Landais et de Guillaume Chauvin, elle équilibra la pratique politique des conseils qui devinrent réguliers à partir de 1477. Le gouvernement se composait de quatre conseils : le Grand conseil qui réglait la politique générale du duché, le conseil de guerre, celui des finances et celui de justice. Le grand conseil menait de front la diplomatie, les questions administratives, le domaine ducal et souvent les arbitrages judiciaires concernant le duc ou ceux qui l’intéressaient. Il rassemblait les plus fidèles et influents conseillers du duc. Guerre et finances eurent leur domaine de compétences assez vite délimité. Une originalité est à noter : le maréchal de Bretagne avait rang de second par rapport à l’amiral de Bretagne, montrant ainsi l’importance de l’arme navale dans les intérêts du duché. Le seul conseil qui restait à stabiliser était celui de la justice qui, coincé entre les Grands Jours et le Grand Conseil, ne trouvera ses limites qu’au XVIé siècle après la réforme du parlement de Bretagne. Cette régulation de l'administration centrale permit un gain en efficacité car la politique générale gagnait en cohérence. ces années-là virent ainsi un important effort naval.


A Port-François, le développement de la marine de guerre continua. Quelennec le Vieux, Lohéac et De Ranrouët remplacèrent les anciennes caraques par des caraques de guerre, bâtiments pouvant jauger jusqu’à 900-1200 tonneaux et équipés de trois à quatre mats, d’un minimum de 24 canons. Ils avaient encore les rondeurs de coque des navires hollandais. Mais ils adoptèrent une poupe carrée comme sur la caravelle. En 1477, la flotte se composait de 4 escadrons d’1 caravelle de guerre et de 4 caraques de guerre. Ces 20 navires étaient facilement renforcés par des navires marchands armés de Morlaix, St Malo et Nantes qui se mirent aussi à adopter ce nouveau dessin de navires. Enfin, ils améliorèrent l’artillerie et obtinrent des boulets de métal des forges de Rohan ainsi que la limitation du nombre des calibres de canons. Très rapidement, ce type de navires se généralisa dans les ports bretons. Capable d’emporter une cargaison conséquente, il pouvait être construit dans toutes les grandes villes portuaires de Bretagne. Morlaix, St Malo, Nantes et Brest mirent en chantier des caraques de ce type. Dés 1474, Jean de Rohan et Jacques Danycan armèrent les premiers corsaires sur ce type de navires. Les équipages de ces navires rendirent de grands services à la couronne irlandaise jusqu’à la reprise des hostilités en 1477.

La longue période de conflit qu’avaient connue les Bandes depuis leur création, entraîna la mise en place d’une Confrérie. Parrainé et présidé par le Duc, siégeant à Clisson, ce groupe d’anciens capitaines et de vétérans assurait la tenue d’un Etat des Bandes, rapport sur les emplois, les contrats et les membres des compagnies. Présenté une fois l’an à l’administration ducale, il permettait de connaître les éléments mobilisables de la noblesse bretonne et de limiter le mercenariat sans diminuer les forces ducales. De fait, ce rassemblement de soldats devint une sorte de laboratoire de la guerre où batailles, fortifications et techniques étaient discutées. A la fin de la seconde guerre de Bourgogne, les bandes de Cornouaille et de Léon sous la direction de Pierre de Pont - l’Abbé finirent leur contrat auprès du roi de France sur la frontière de la Savoie où ils rencontrèrent des mercenaires suisses. Notant la tactique suisse et son efficacité sur le champ de bataille, il fit adopter la pique comme arme d’hast principal dans ses bandes et l’arbalète comme arme de jet. La Confrérie des Bandes discuta pendant longtemps de ce choix. Mais poussée par les vétérans, elle adopta en 1481 une organisation basée sur cette division en piquiers et arbalétriers dans des bandes de 1200 hommes. Elle jugea les arquebuses aptes à la défense des fortifications et à la reconnaissance mais refusa de les employer sur le champ de bataille en raison de leur poids et de leur rechargement très lent. Enfin, elle imposa, en 1476, l’obligation aux officiers de savoir lire et écrire pour tenir les livres de comptes et le journal de la Bande et elle ordonna l’usage d’un drapeau commun mêlant l’hermine ducale et la croix noire des bandes.




Etendard des Bandes qui deviendra en 1550, celui de l'armée bretonne.
 

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