jeudi 20 juin 2013

1473. Ep3. Galère de malouin.

Le château de Montorgueil,
résidence du gouverneur des iles anglo-normandes.

Jacques Danycan détesta dès qu'il la vit la galère de l'Amirauté. Elle tenait mal la mer, ne s'écartait jamais des côtes plus d'une nuit et elle puait atrocement. Il soupira et voua le Vieux aux gémonies.  En effet, Quelennec le vieux l'avait convaincu de servir le duc en échange des plans des nouvelles caraques de l'Amirauté. Le vieil amiral avait monté de toutes pièces une opération dont il avait eu l'idée en voyant arriver la Notre Dame du lac à Nantes. Se sachant trop âgé, le Vieux l'avait contacté car il voulait un marin adepte des coups de main audacieux. Jacques Danycan regardait les hommes qu'on lui avait confié. Peu étaient Malouins mais tous ramaient avec confiance. Jacques lui se demandait encore ce qu'il était venu faire dans cette galère. Seul, le bruit des avirons brisait le silence de la nuit. Les bretons avaient embarqué tous les pilotes et pêcheurs volontaires de la baie du mont et les avaient dispersés deux par deux sur chaque navire. En cette nuit de la St Jean, les 10 navires de sa flotte stationnaient à Cancale. Seule, la galère était partie dans l'obscurité. Jacques  n'espérait qu'une chose : que les insulaires aient fêté suffisamment l'arrivée de l'été. A l'entrée de la baie, il fit passer sa dernière consigne à ses rameurs et à ses 100 franc-archers. Tous ne portaient que des armures de cuir. Seuls les casques avaient été autorisés. A bord, tout le monde retint son souffle lorsqu'ils aperçurent les contours de leur objectif dans les ombres de la nuit. Il demanda deux derniers coups aux rameurs puis laissa le navire courir sur son aire. La galère s'enfonça dans la vase. Les rameurs laissèrent là leurs avirons pour leurs armes tandis que Jacques Danycan sautait dans la baie de la proue. Il avait de l'eau jusqu'à la taille. Il progressa lentement et difficilement puis dès qu'il eut pied sur du sable, il se mit à trottiner. A sa suite, Le groupe de tête traversa la rangée d'habitations sans s'arrêter. Jacques s'essouffla à escalader la pente derrière le village. Savoir qu'on doit frapper comme la foudre est simple, le faire et en silence relève de la gageure. En ahanant, il atteignit le sommet et courut vers la citadelle. A bout de souffle, il dégringola dans le fossé puis escalada la roche surplombée par la muraille.
Au moment où il atteignit la porte, l'alarme retentit. C'était maintenant du quitte ou double. Soit ils réussissaient, soit ils en avaient pour deux à trois mois de siège et quelques centaines de morts. Heureusement, il avait deux as dans ses cartes, deux pétards qui furent promptement placés contre la porte. Lorsque l'explosion eut retenti, il respira deux fois profondément et s'élança épée au poing en hurlant à pleins poumons  "St Malo Bretagne!". Les dix hommes de son groupe tombèrent sur la garde à moitié réveillée, à moitié sobre et à moitié vêtue comme un ouragan que rien n'arrête. Ils dégagèrent la tour de garde puis s'élancèrent de salles en salles, tuant et étripant tous les hommes qui ne portaient pas brassard noir. Ils furent vite rejoints par les franc-archers qui submergèrent les défenseurs de l'enceinte extérieure en vingt minutes de combats furieux. Seul, le donjon résistait encore. Ennuyé, Jacques ordonna à son second d'aller chercher renfort, pavois et pétards à la galère. Il essaya de parlementer mais les archers anglais lui décochèrent une réponse tout à fait explicite. Une heure plus tard, l'assaut reprit et débordé par le nombre, le dernier carré de défenseurs de rendit en fin de matinée. Comme d'habitude, on trancha les pouces des archers et on fit prisonnier les nobles pour les rançonner. A midi, le pavillon breton flottait sur la tour du château de Gouray quand le reste de la flotte arriva. Jacques passa le reste de l'été en coups de main, négociations et démonstrations  de force. Toutes ces opérations furent grandement facilitées par la Notre Dame du Lac que Jacques Danycan appréciait de plus en plus pour ses capacités de débarquement.
 Fin août, les îles anglo-normandes s'étaient rendues les unes après les autres et les corsaires anglais capturés ou enfuis de l'autre côté de la manche. Jacques Danycan lança ses Malouins en une croisière d'automne sur le littoral anglais. Mais ils n'eurent que peu de succès. De retour à St Malo, il commanda une caraque de guerre et apprit sa nomination comme gouverneur de Jersey avec tout pouvoir pour utiliser le revenu des îles à la guerre de course.


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