Après la défaite de Grandson, Charles Le Téméraire ne
renonça pas à donner une leçon aux Suisses. Il passa l’été à rassembler des
troupes et de l’argent à Lausanne. Attirés par sa richesse et par son prestige
à peine écorné, les mercenaires complétèrent les débris de l’armée
bourguignonne qui atteignit lors de la revue du 15 aout, 12000 combattants. Cet
ost se composait d’environ 2000 cavaliers lourds, de 5000 archers montés et de
4000 fantassins. L’objectif de Charles était de mettre définitivement à genou
les Bernois. Canton le plus agressif de la confédération helvétique, Berne
avait placé une garnison importante dans la cité de Morat et avait renforcé
cette ville fortifiée des canons pris à Gandson. Aldrian Von Bubenberg
commandait la cité et contrôlait la route de Lausanne à Berne. Habile
capitaine, il savait que le Téméraire devait prendre Morat s’il voulait
s’attaquer à Berne. Charles ne pouvait laisser derrière lui une forte garnison
capable de couper ses communications avec la Franche-Comté. A Berne, Renée II
de Lorraine et les Bernois faisaient pression sur les autres cantons pour
obtenir des hommes et des fonds pour la guerre. Ces négociations trainèrent et
ne se finalisèrent que lorsque Charles assiégea Morat le 4 septembre. En raison
de leurs faiblesses financières, les Suisses ne pouvaient mobiliser leur armée
que pendant un temps très court et devaient frapper vite et fort pour obtenir
une décision rapide. L’ost Suisse se rassembla à Berne le 17 septembre tandis
que les Bretons de Pierre du Pont-L’Abbé surveillaient les abords du camp bourguignon.
Représentation de la Bataille de Morat du 19 septembre 1475 par D.Schilling. le jeune. |
A Morat, Charles le Téméraire menait hardiment le siège de la cité. En raison du caractère lacustre de la ville, Adrian Von Bubenberg réussit à maintenir des liaisons constantes avec Berne et connaissait les préparatifs de l’armée suisse. Avec son artillerie, il obligea les Bourguignons à ne réaliser leurs travaux de siège que de nuit. Ceux-ci prirent donc un retard certain. Pour se protéger d’un retour offensif des Suisses, le téméraire établit une position fortifiée nommée la Haye Verte composé d’une palissade et d’un fossé. L’ost bourguignon devait l’utiliser pour se rassembler en toute sécurité puis contre-attaquer les carrés suisses qui s’aventureraient à tenter de relever la cité de Morat. Mais cette position ne servit à rien. Le 19 septembre, elle n’était que faiblement défendue par l’artillerie du duc, une compagnie d’ordonnance et une bande d’archers bourguignons. Les confédérés prirent les défenseurs par surprise. Les artilleurs du Téméraire réagirent vertement et bombardèrent les carrés helvétiques qui essuyèrent des pertes. L’avant-garde suisse marqua le pas et la compagnie d’ordonnance charge pour permettre aux canonniers de recharger. Mais René II de Lorraine intervint avec ses cavaliers lourds. Repoussés, les chevaliers bourguignons durent se replier derrière la palissade. Les Suisses reprirent leur avance soutenus par la cavalerie légère de Pierre du Pont-L’Abbé qui avait contourné au sud la position fortifiée. Les Hélvétiques franchirent la palissade délogeant piétons, artilleurs et cavaliers de leur position favorable. Alors, ils déferlèrent sur les camps bourguignons à l’ouest de la cité. Celui des mercenaires italiens fut submergé le premier. Puis, les Suisses foncèrent sur le quartier général et obligèrent le duc à se retirer. La retraite du duc et la sortie de la garnison de Morat sonna le glas de l’armée bourguignonne. La panique s’empara des piétons bourguignons retranchés à Meyriez, dernier objectif des Suisses sur la rive du lac de Morat. Lorsque les carrés écrasèrent la garde ducale et les archers anglais, la retraite devint déroute et les cavaliers légers de Bretagne se jetèrent sur les restes de la gendarmerie du duché qui se fit décimer pour protéger la fuite du Téméraire.Si l’ost bourguignon avait réussit à fuir le champ de bataille de Grandson, la situation à Morat fut tout autre. Les Bourguignons étaient encerclés entre les carrés suisses, la cité et le lac. Nombre d’entre eux tentèrent de traverser mais se noyèrent. Enfin, les Suisses ne firent aucun quartier et massacrèrent les restes de l’ost bourguignon. Aujourd’hui, les historiens estiment les pertes du Téméraire à 10000 hommes tandis que celles des Suisses et de leurs alliés ne s’élevèrent qu’à six cents hommes. Si cette victoire consacra la prédominance des piquiers et confirma la solidarité naissante entre les cantons où émergeait une identité commune, elle rejetait définitivement les Bourguignons hors du pays de Vaud, libérait l’accès à Lyon et au sel de Franche-Comté. Enfin, elle permettait aux Suisses d’obtenir une trêve avec la Savoie. A l’inverse, pour Charles, c’était une catastrophe. Argent, réputation et armée avaient cette fois disparus et seraient difficilement remplaçables. Si Grandson était apparu comme un accident dans de nombreuses cours d’Europe, Morat détruisit la puissance diplomatique de Charles déjà fragilisée par son arrogance et ses ambitions. Passant à Lausanne le 21 septembre, Charles le Téméraire fila vers ses domaines bourguignons sans se retourner. Le 22 septembre, la Haute-Alsace se révoltait de nouveau. Le 25 septembre, un contingent de Bernois et la Bande de Pierre de Pont-L’Abbé franchirent le Rhin à Bâle puis s’aventurèrent en Franche-Comté.
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