La reconduction de l’alliance de la Bretagne et de la France mit en rage le téméraire. Il n’avait pas escompté que François II puisse miser sur un roi dont la puissance avait été égratignée. Il est vrai que la nouvelle lui parvint lors de l’Assemblée Solennelle (nom des Etats de Bourgogne) de Bruxelles où il devait faire face à la mauvaise volonté des représentants des villes wallonnes. Gand, en particulier, rechignait à payer son dû. Cela l’obligea à rassembler une armée et à se présenter devant la ville. Ayant retenu la leçon de Dinant et de Liège, les Gantois ouvrirent leurs portes. Charles n’extermina pas la population bien qu’il aurait bien fait un nouvel exemple avec les têtes des échevins. Il décida de priver la ville de ses droits et libertés. Occupée par des troupes mercenaires, la cité avait perdue toutes velléités de résister et accepta la mansuétude de son seigneur qui y installa un gouverneur à sa solde.
Pendant le reste de l’hiver et du printemps, le duc termina la réorganisation de son armée et la dota, outre d’une cavalerie à la française, d’une infanterie qu’il engagea dans les milices des villes wallonnes. Célèbre pour avoir défait les chevaliers français, ces unités de piquiers plaisaient au duc. Le caractère offensif et destructeur de cette formation donnait à son armée une image de puissance, image qu’il désirait se donner pour dissuader les rois et empereurs voisins de toute ingérence. La succession d'ordonnances qu’il prit pendant cet hiver, créa la meilleure armée d’Europe. Armée de professionnels qui étaient en demi-soldes en temps de paix, l’armée bourguignonne devait s'articuler en compagnies d’ordonnance bien supérieures à celle de la France. Il organisa celles-ci en 100 lances de 9 hommes qui s’articulaient ainsi : 1/3 d’hommes d’arme, 1/3 d’archers montés et 1/3 d’hommes à pied. Il prit ces ordonnances à Abbeville en mars où il surveillait la mise en défense de la ville contre la piraterie. Sur le papier, cette armée était la mieux équilibrée d’Europe. Mais la lenteur administrative du duché de Bourgogne et l’absence des fonds nécessaires à son organisation empêchèrent qu’elle soit réunie avant l’année 1471. Fort impatient, Charles obtint, tout de même, en 1469, un recensement des capacités militaires de ses vassaux et de leurs états physiques. Bien qu’elle soit issue de la convocation du Ban, l’armée qu’il passa en revue en novembre était composée des plus aptes et des mieux équipées de ses vassaux : une force respectable de 25.000 hommes. Il en fut fort heureux.
Cette année-là, le duc de Bourgogne orienta sa politique étrangère vers l’est et le sud. Il désirait une couronne et il prit de nombreux contacts dans le Saint Empire Romain Germanique qui seul, pouvait la lui accordée. Il envoya Philippe de Commynes à la rencontre de l’empereur pour le charmer et obtenir ce trône. Philippe fit de son mieux mais l’empereur restait réticent. Il obtint pourtant un traité avec le duc d’Autriche qui augmentait le territoire de la Bourgogne. En échange de la somme de 50.000 écus, Sigismond de Habsbourg, cousin de l’Empereur, confiait au duc le contrôle de ses territoires en Alsace et dans la Forêt-Noire. Ce traité était accompagné d’une alliance défensive, ce qui enchanta Charles. En effet, il espérait un allié supplémentaire contre le roi de France et un ami influent à la cour de Frédéric III, empereur du St Empire. Il continua à entretenir une correspondance avec Charles de Berry qui s’était installé en la ville de Bordeaux. Le duc de Bourgogne se divertissait des aspirations de son compère bordelais pour la main de sa fille Marie, aspirations qu’il se garda bien de contredire.
|
Les Territoires de Charles le Téméraire. (source wikipédia) |
Jusqu’au mois de novembre, Charles le Téméraire parcourut ses territoires pour y renforcer son pouvoir. Lors de son passage dans le comté de Bourgogne, il engagea un certain nombre de mercenaires italiens pour inculquer de l’expérience à ses futures troupes. Il s’inquiéta aussi de la recrudescence des interventions bretonnes dans la Manche. En effet, la guerre navale se prolongeait entre les Français et les Anglais qui escarmouchaient continuellement au large des côtes de Picardie et de Calais. Malgré tous leurs efforts, les navires normands du roi de France furent des proies faciles pour les expérimentés marins anglais. L’appel royal à la flotte bretonne changea la donne et en septembre, les commerçants de Bruges notèrent un ralentissement des arrivées de navires anglais. Ils en appelèrent au duc qui envoya une protestation véhémente auprès du roi de France. Celui-ci joua l’hypocrite d’autant plus facilement que la flotte, même s’il la finançait, battait pavillon breton. En octobre, fort mécontent, le duc envisagea de créer une escadre mais préféra écrire à Charles de Berry en son fief de Guyenne pour qu’il fasse pression sur le duc François II. Charles de Guyenne poussés par les Bordelais sauta sur l’occasion. A la fin octobre, sa campagne finie, la flotte libéra la Manche. L’émissaire de Bourgogne que Louis XI avait retardé la trouva en décembre dans l’estuaire de la Loire. Elle n’était pas désarmée et elle était augmentée d’un petit navire avec un curieux gréement.
|
Armoiries du Duc de Bourgogne. Sa complexité reflète la titulature du Duc ainsi que la faible centralisation de son État. |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire