Le retour du duc en Bretagne fut lent. Si L’accord avec le roi de France avait pris du temps, il en profita aussi pour parcourir les vignobles angevins et y acquérir quelques fûts pour agrémenter sa table. A son arrivée à Nantes, le 18 février, il fut fêté par les marchands de la ville qui lui organisèrent une entrée triomphale. Ils se réjouissaient de l’alliance avec la France et des clauses du traité qui leur accordaient la paix et les libertés nécessaires à la croissance de leurs échanges. Grand Seigneur, le duc offrit en retour ses nouveaux fûts à la ville qui les mit en perce pour le petit peuple. Depuis cette date, il est coutume en la cité nantaise de ne plus fêter mardi gras mais de célébrer les Vins du Duc, sorte de Carnaval où ne se boit que des vins d’Anjou et, en particulier, des Coteaux du Layon.
Comme tous les deux ans, le duc convoqua ses états généraux pour la fin des moissons. Puis, accompagné de Pierre Landais, il se rendit à Vannes où il engagea une des réformes qui fit la grande prospérité du golfe du Morbihan. Il y multiplia les autorisations de sècheries, destinées à transformer les prises de la pêche côtière en aliment conservable et surtout commercialisable. Avec son autorisation, Pierre Landais étendit les années suivantes ces droits dans les pays de Nantes et de Retz. Le climat favorable et la proximité des ressources de sel permirent un développement important de cette pratique. Dés 1470, la Bretagne exporta de nombreux tonneaux de poissons salés vers la vallée de la Loire puis vers les ports d’Ibérie à partir de l’année suivante. Cela faisait un complément idéal pour le commerce du sel et celui des toiles. Les finances du duc s’en trouvèrent renforcées car il percevait un droit à l’exploitation pour cette activité.
A Pâques, le duc se trouvait en compagnie de Jean de Quelennec et André de Lohéac en sa bonne ville du Blavet. Ces deux compères qui se partageaient efficacement la direction de l’amirauté bretonne, y mettaient au point un chantier naval qui devait produire de nouveaux vaisseaux pour les forces du duc. Les actions en mer d’Irlande et en Manche pendant les années précédentes les poussèrent à construire un nouveau type de navire. Jean de Quelennec qui avait passé l’année 1468 à questionner des capitaines de commerce sur les nouvelles techniques navales, proposa de construire un navire d’origine portugaise : la caravelle. Petite, plus rapide et plus agile que les caraques, le navire avait plu au vice-amiral de Lohéac qui voulait un bateau capable de frapper dans les estuaires et les anses, espaces confinés fort dangereux pour les lourds navires qu’il commandait. Par l’intermédiaire d’un marchand, l’amiral avait engagé deux charpentiers de marine portugais. Arrivés en Mars, ils présentèrent au duc leurs dessins et Pierre Landais leur accorda les finances pour construire trois de ces navires. Il envoya un agent à Nantes recrutés des artisans habiles. Yann de Ranrouët, écuyer de Lohéac, plus connu sous le sobriquet de La Roche, fut chargé de négocier un contrat pour du bois de marine et pour l’enrôlement de charpentiers avec le comte de Rohan. Début mai, il était à Pontivy et achetait chêne et pins pour le compte de l’amirauté. Il y reçut une missive de son seigneur qui le convoquait à St Malo pour y rembarquer à destination de la Manche. La flotte partait au secours des marins normands. Laissant le soin des livraisons à ses clercs, Jean de Rohan accompagna son nouvel ami.
Schéma de la Caravelle battant pavillon portugais. les Bretons l'appelaient familièrement Carvel |
Fin avril, Le duc s’engagea sur les chemins du pèlerinage de Bretagne. Le Tro Breizh le mena à travers l’ensemble de son duché. Il se rendit d’abord à Morlaix par la cote sud. Il constata dans cette ville une réelle prospérité qui commençait à s’étendre dans les campagnes avoisinantes. Puis par Tréguier où il séjourna le 19 mai pour la fête de Saint Yves, il rejoignit St Malo et y retrouva Jean de Rohan, passionné par l’armement de son premier navire. Le duc et son trésorier général discutèrent longuement avec lui des réformes qu’il avait appliquées dans son comté de Léon. François II resta dans la cité corsaire jusqu’au départ de la flotte puis s’en alla au Mont St Michel y prier pour le salut des marins et le rétablissement de la duchesse. Le duc traversa la baie, pieds nus et vêtu d’une simple chemise de chanvre. Il monta jusqu’au monastère et demanda pardon à l’archange pour l’incendie de 1204 causé par des chevaliers bretons. Le lendemain, après une nuit de pénitence, il reçut l’eucharistie des mains de l’abbé puis celui-ci lui rendit hommage devant l’ensemble de son chapitre. Enfin, il offrit une fête aux habitants pour célébrer le rattachement du Mont à la Bretagne. Si les précédents ducs avaient été incapables de conquérir la forteresse par la force, en deux jours, le duc la gagna par le cœur. Il sortit de l’ile en grand apparat au plus grand plaisir des habitants qui acclamèrent leur nouveau duc. Enfin, après un détour par Fougères où il inspecta rapidement des travaux de défense, François II chevaucha vers Nantes car la maladie de la duchesse s’était aggravée.
Représentation du Mont St Michel dans les Riches Heures du Duc de Berry |
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