Allié de la France, la Bretagne
connut quatre ans de paix. Dés l’année 1473, François II imposa les réformes de
Rohan sur l’ensemble du domaine ducal. Jean de Rohan fit de même en ses fiefs
du Vannetais et du pays de Nantes. Les Rieux suivirent leurs exemples pendant
cette période. Les péages diminuèrent et les échanges augmentèrent. Seuls
subsistèrent les péages entre les comtés. Le commerce et le partage des idées
renforcèrent la prospérité de la paysannerie et la puissance des villes.
Celles-ci avaient vu leur rôle s’accroitre et le duc décida de le prendre en
compte. Le rôle des villes françaises pendant la seconde guerre de Bourgogne
avait impressionné François II et ses officiers. Si Roye et Montdidier
s’étaient rendu, Beauvais avait d’abord résisté seul puis avec des renforts
royaux mais aussi de Paris et de Rouen. Depuis Jean V, Nantes possédait
l’embryon d’une municipalité avec un capitaine de ville et un conseil de quatre
à cinq bourgeois. Le duc décida d’étendre les libertés urbaines dans son
domaine et donna des chartes urbaines aux villes de son duché : Nantes et
Rennes les reçurent dés 1473 tandis que Morlaix, Quimper, St Malo et St Brieuc
et Vannes durent attendre 1475. Sur son propre domaine, Rohan les accorda à
Pontivy. Enfin, en 1476, Blavet dont la population avait quadruplé depuis la
création du chantier naval obtint une charte urbaine et fut renommé
Port-François par ses nouveaux échevins. Le duc y créa un fort doté d’une tour
de guet et d’une forte batterie d’artillerie semi-enterrée. Il en fit une copie
sur l’ile du taureau à l’entrée de la ville de Morlaix. Ces deux batteries,
larges tours semi-enterrées furent le premier exemple de fortifications
résistantes aux boulets de métal. Ces chartes donnaient aux bourgeois un
pouvoir de police, de gestion et de justice en devenant échevin et comme
l’office était anoblissant, ils pouvaient s’intégrer à la noblesse. Cette
réforme confirmait le rôle grandissant des villes dans l’économie mais aussi
dans le domaine culturel.
Incunable imprimé à Port-François en 1482. Précis de Géographie et de Navigation. |
En 1474, le premier atelier
d’imprimerie fut ouvert à Nantes et il reçut très vite la visite de la duchesse
qui finança les premiers travaux. D’une piété fervente, elle fit éditer le
premier livre de prières et le premier recueil de cantiques religieux de
Bretagne en 1475. Si elle conserva dans sa bibliothèque de nombreux ouvrages
enluminés, elle promut la littérature liturgique dans l’atelier nantais et
assura sa survie face à la production parisienne. Sur une commande du duc, le
De Re Militari de Végèce sortit des presses en 1476 pour son fils Jean VI de
Bretagne. Il devint rapidement une des lectures conseillées pour les jeunes
nobles qui voulaient faire carrière dans les Bandes. Très tôt, l’atelier de
Nantes se spécialisa dans le droit, la médecine et les œuvres liturgiques car
un autre atelier avait ouvert. En effet, un second atelier ouvrit dans
Port-François et se spécialisa dans une production non religieuse. Financé par
Jean de Rohan et André de Lohéac, cet atelier était chargé d’imprimer les
ouvrages fournis par le réseau des agents de Rohan et par les ambassadeurs du
duc. Si Jean II ne fit pas imprimer tous les livres qui lui passèrent entre les
mains à partir de 1476, il alimenta sa propre bibliothèque, celle du jeune duc
et l’université en ouvrages techniques, politiques, agronomiques et militaires
qui donnèrent à l’université un rayonnement certain au début du XVIè siècle. Enfin,
le Catholicon, dictionnaire breton, Franczoys et latin de Jehan Lagadeuc,
terminé en 1464, est imprimé en 1477. L’impression de tant d’ouvrages prit une
vingtaine d’année mais aujourd’hui, les historiens considèrent que la Bretagne
entra dans l’âge de la Renaissance par la création de ces ateliers.
François II fit entrer Nantes
dans la Renaissance en créant un logis ouvert et aéré dans son château.
Destiné à sa cour et à ses conseils, ce bâtiment abandonnait les règles de la
fortification médiévale. Les meurtrières disparurent pour laisser place à des
fenêtres ouvertes sur la cour centrale. De même, l’escalier fut dégagé et
devint un espace de parade où le pouvoir se mettait en scène. Josselin,
résidence des Rohan débuta la même mue. Eloigné des frontières du duché, le
château connut des transformations plus audacieuses. Les murs furent aussi percés
vers l’extérieur et les ouvertures donnèrent sur la campagne bretonne sans
autre protection que vitres et épais volets. Si Clisson et Nantes restaient des
forteresses, le château de Josselin n’en était plus une. D’est en ouest, les
châtelains adoptèrent ce nouveau style qui permettait de mettre en scène le
pouvoir du seigneur, ce pouvoir qui devenait de moins en moins militaire.
Château de Nantes, logis du duc de Bretagne après 1480. Notez l'escalier extérieur, la loggia ainsi que la taille des fenêtres. |
Sur les conseils de sa femme Gabrielle, le duc se pencha
sur les problèmes de l’université nantaise qui ne se développait pas. Le duché
manquait de gens de plumes, de notaires, de juristes mais aussi de médecins. Pendant
ces quatre années, François II envoya des recruteurs en Italie, en France et en
Flandres pour trouver des enseignants qu’il espérait expérimentés, talentueux
et capables d’assurer le développement de son université qui était très
concurrencée par celle d’Angers. Des médecins vinrent de Paris et Montpellier,
des juristes de Rome, Bologne et Lyon. Des historiens, des géographes
arrivèrent d’Italie et du Portugal. Cet agrégat de nationalités que le duc
voulait temporaire, devint la marque de fabrique de l’université de Nantes qui
développa une tradition d’échanges et de recrutement. Cela donna
un deuxième élan à l’université qui prit enfin sa place de phare culturelle de
la Bretagne. Les premiers étudiants étrangers arrivèrent d’Irlande en 1473, même
s’ils n’étaient pas tout à fait étudiants.
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