A Neuss, Charles le Téméraire échoua tout l’hiver à obtenir
la reddition de la ville. La cité protégée par ses vastes douves et sur une île
du Rhin, ne pouvait être approchée que par des ponts enjambant deux îlots.
Malgré d’importants travaux de siège, Charles piétinait devant les défenses de
la cité. Celle-ci était ravitaillée par la rivière grâce à une noria de barges
qui arrivait de Cologne. Si les Bourguignons réussirent à conquérir les iles et
à y installer des batteries, les inondations de l’hiver les en chassèrent. Au
printemps, ils avaient tout à refaire alors que la crue de Rhin diminuait. Le
Téméraire tenait sa cour sous la tente et y menait grand train. Il recevait
ambassadeurs et courtisans qui venaient de toute l’Europe pour obtenir ses
faveurs. Mais il restait sur le qui-vive car l’empereur Fréderic III
approchait. L’ost impérial n’avait rien de comparable avec celle du
Bourguignon. Malgré les subsides de Louis XI, elle ne se composait que du ban
féodal, de milices urbaines et de la cour de l’empereur. Même si nombre de
Princes de l’Empire accompagnaient Frédéric et rêvaient de rabaisser le toupet
du duc de Bourgogne, l’Empereur savait que sa puissance n’était pas militaire,
mais diplomatique. Il n’avait pas les moyens de faire la guerre, ni de risquer
une défaite qui compromettrait son fragile pouvoir. Mais il savait que Charles
cherchait à obtenir plus de légitimité et était prêt à accepter beaucoup, juste
pour être reconnu. Bloqué depuis 10 mois devant Neuss, le duc de Bourgogne
voulait en finir d’autant plus qu’il commençait à avoir du mal à payer ses
mercenaires et il s’inquiétait de la situation dans ses domaines. Les deux
monarques étaient dans une impasse.
Frédéric III, Empereur du St Empire Germanique. |
L’Empereur s’avança vers Neuss et après quelques
escarmouches de pure forme, il installa son camp à une journée de celui du
Téméraire. Les négociations aboutirent à un compromis qui ne satisfit aucun des
partis mais permit aux deux protagonistes de sortir du cul-de--sac dans lequel
ils se trouvaient. Frédéric III refusa de soutenir Charles dans ses ambitions
impériales. Mais, il accepta que leurs enfants se fiancent. Marie de Bourgogne
devint la promise de Maximilien de Habsbourg. Frédéric n’en refusa pas moins de
lui laisser le contrôle de l’archevêché de Cologne. Charles et l’Empereur se
quittèrent tous les deux mécontents. Frédéric se sentait humilié par la richesse
et l’audace de son vassal tandis que Charles revint frustré et désabusé car il
avait compris que Frédéric ne lui accorderait jamais rien. Il avait perdu du
temps et ses ennemis s’en donnaient à cœur joie.
Au sud, les terres bourguignonnes connaissaient des temps
difficiles. La Franche-Comté avait connu une année infernale en raison des raids
de Pierre du Pont-L’Abbé. Les villes d'Alsace avait pris leur indépendance et se liait de
plus en plus avec les Suisses malgré la pression de Sigismond d’Autriche. En
lorraine, Renée II avait tourné casaque. S’alliant avec Louis XI, il expulsa
les troupes bourguignonnes de son duché. Libéré de la menace anglaise, le roi
de France avait lancé une offensive dans le Luxembourg et en Picardie pour
déloger les garnisons du duc. Enfin, les Suisses entamèrent la conquête du pays
de Vaud pour dégager les accès aux foires de Genève et de Lyon. Ils mettaient
ainsi en difficulté le plus fidèle allié de Charles, la Savoie. La situation stratégique
des Etats Bourguignons était catastrophique.
Quittant enfin Neuss, le 27 juin, le duc revint en ses états
et dirigea son armée sur Namur. il lui fallait absolument mettre à bas la
Lorraine qui coupait en deux ses territoires et pour cela, mettre fin à l’attaque
de Louis XI. Il envoya donc des diplomates. Louis XI accepta car dans le midi,
les nobles et les habitants du Roussillon n’acceptaient toujours pas sa
politique et poussés par les agents de Jean d’Aragon, étaient de nouveau, en pleine révolte. Louis
XI laissa donc la Lorraine, Les Suisses et les Alsaciens se battre seuls avec l’appui
de quelques mercenaires bretons qu’il fournissait. Cette petite trahison lui permettait de concentrer l'ensemble de ses forces dans le sud. De même, Charles délaissa ses alliés aragonais et anglais pour faire face à la plus grande menace, la défection de la Lorraine. Le 13 septembre, Charles et
Louis signèrent une nouvelle trêve à Soleuvre de 9 ans.
A partir de Namur, les bourguignons menèrent une campagne d’automne
exceptionnelle. Ils s’emparèrent de l’ensemble de la Lorraine en quelques mois
et y placèrent des garnisons. Le 30 novembre, le Téméraire entra en grand
apparat à Nancy et épargna la ville car il venait d’y convoquer les Etats de
Lorraine. Lors de cette réunion, le duc obtint un serment de fidélité des
représentants lorrains et leur promit de faire de Nancy sa capitale. Mais,
pendant ce temps, les Suisses avaient attaqué le Pays de Vaud, ravagé les campagnes, détruit nombre
de châteaux de ce pays et installé des garnisons dans Grandson et Morat. Leur brutalité indigna le duc de Bourgogne. Les Suisses avaient ainsi libéré les accès à Genève et Lyon que la Savoie interdisait aux marchands
étrangers. Mais, ils avaient aussi coupé l'accès du Téméraire à l'Italie et à ses mercenaires. En Franche- Comté, Pierre du Pont-L’Abbé tenta de ralentir
les forces bourguignonnes qui se concentraient près de Besançon. S’il réussit à
bloquer de nombreux raids, les Alsaciens savaient qu’il ne pourrait rien contre l’ost
bourguignon et décidèrent de négocier avant de subir la fureur du duc de Bourgogne.
Une trêve fut donc conclue sans les Suisses.
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