François II passa une grande partie de l’année
à régler des conflits administratifs entre Pierre Landais et
Guillaume Chauvin. Il effectua pourtant trois déplacements notables
cette année-là. Le premier d’entre fut un court voyage en février à St Malo
durant lequel il présida le premier conseil de guerre du duché et distribua les
pouvoirs entre les membres. L’Amiral y siégeait de droit et comme président en
l’absence du duc tandis que le Maréchal de Bretagne ne devait y tenir que la
seconde place. Il faut noter la présence de Jacques Danycan, gouverneur des
iles anglo-normandes et que le duc invita comme représentant des corsaires. Il avait été appelé en raison de sa réputation grandissante et parce que François II voulait l’utiliser pour ses relations avec les
bourgeois de ses ports. Pour la première fois, le Duc et ses officiers tentèrent de
définir une stratégie commune pour maintenir la suprématie qu’ils avaient
obtenue dans la Manche. La flotte qui s’était agrandie d’une dizaine de
navires devait terminer la généralisation du gréement portugais et renforcer
ses dépôts dans les villes de Morlaix, St Malo et Port-François. Il la chargea
d’escorter les convois de marchands vers les Flandres et de patrouiller la
Manche jusqu’à Calais. Il demanda aux corsaires de mener la course en Mer
d’Irlande et au large du Cotentin. Lors de ce conseil de guerre fut aussi
décidé de mener une enquête sur les fortifications littorales. Les Bretons
pouvaient perdre l’initiative en mer et la faiblesse des défenses inquiétait Quelennec le Vieux.
De même, François II demanda au Maréchal de Rieux de procéder à une revue des
fortifications de la Marche de Bretagne et de planifier leur rénovation.
Le second déplacement du duc se fit à Port-François. Il y
présida au lancement de deux caraques de guerre qu’il fit nommer du nom des
archanges Gabriel et Raphaël. Il les confia à Yann de Ranrouët qui les emmena
immédiatement à St Malo puis à St Valéry sur Somme. Le duc resta un certain
temps dans le Vannetais avec Jean de Rohan. Ils discutèrent des réformes
économiques et de leurs implications sur la stratégie de la Bretagne.
Le duché devait maintenir ouverts la Manche et le golfe de Gascogne à son
commerce pour préserver les routes maritimes du Lin. Avoir une marine était
devenu une nécessité et François II devait être capable de l’entretenir
seul sans l’apport annuel des écus de Louis XI. Il fallait donc que le duc
augmente ses revenus dans les années à venir. La France en
paix arrêterait de financer une flotte bretonne qui comptait quarante navires
de guerre. François II accepta donc de développer les proto-industries
et de favoriser les éléments novateurs en agriculture. Réaliste, il adopta les plans de Jean de Rohan pour renforcer ses finances. Une seconde fois, il
proposa le mariage de son fils avec la petite Françoise de Rohan. Le Comte,
cette fois, ne refusa pas. N’ayant qu’une héritière et sa femme multipliant les
fausses couches, il demanda le temps de la réflexion.
La production textile liée au Lin et au Chanvre en Bretagne à la fin du XVè siècle. |
Le troisième déplacement était attendu depuis longtemps par
les Bretons. Le duc convoqua les Etats de Bretagne à Vannes et
s’y rendit après les moissons. Il avait décidé de les réformer. Pour la
première fois, il demanda la rédaction de Cahier de Doléances. De plus, Les
députés des deux ordres séculiers devaient être élus par évêché ou par cité. Seuls,
les comtes, les évêques et les maires siégeaient de plein droit. Or, le retour
des Bandes en Bretagne après la seconde guerre de Bourgogne avait changé la
donne politique dans l'état de la noblesse. Cette année-là, elle se divisa entre deux partis, la Noblesse
Mercantile et la Noblesse Féodale. Les vétérans des Bandes et la noblesse
littorale voulaient imposer une diminution des obligations de l’honneur
nobiliaire pour profiter un maximum du commerce. L’entrée de cette minorité aux
Etats permit de renforcer la position du Tiers dans les débats qui
demandait moins d’impôts mais aussi plus de libertés commerciales. François II trancha en faveur de l’application totale des réformes de Rohan dans le duché.
La forte pression du Duc, de leurs vassaux et l’influence grandissante de Jean
de Rohan permirent de rallier les grands féodaux à ce programme. Mais ils firent
opposition à toute nouvelle dérogation au statut de noble. Le duc
obtint un recensement de la population qui devait se dérouler sur quatre ans et
permettrait de réévaluer les revenus du duché. Il ordonna que dans toutes les
paroisses soit tenu un registre des baptêmes, mariages et enterrements ainsi qu’un
état des Franc-archers, avec leur âge et leur équipement. Enfin, il annonça que
dorénavant, la moitié de sa part perçue sur les contrats des Bandes serait
dédiée à la rénovation des fortifications de la marche de Bretagne.
Jean VI de Bretagne, âgé de 11 ans commença des études
approfondies. Un maître d'armes vint à Nantes et le suivit toute l’année.
En été, il fut confié à des représentants des Bandes qui devaient lui apprendre
la guerre nouvelle. Enfin, il assista aux Etats de Bretagne et à quelques Grands
Conseils où sa concentration fut remarquée. Jean grandissait et François II
nota son enthousiasme pour toutes les choses nouvelles, pour la marine et l'artillerie, mais aussi l'art et les langues.
Portrait de jeune homme de la Renaissance par Boticelli, 1483. |
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