En juillet, les navires de la flotte portugaise traversèrent le détroit de Gibraltar. Débutée pour venger la chute de Constantinople en 1453, la croisade d’Aphonse V du Portugal devint, faute de participants, une affaire purement portugaise destinée à acquérir le contrôle du détroit et à obtenir des têtes de pont sur le continent africain. Le roi Alphonse avait échoué, en 1463 mais cette fois, il se présentait avec environ 30000 hommes et pas moins de 500 navires devant la ville d’Assilah. Dans cette armada, les bretons n’avaient pas une place de choix. La chaleur, le manque d’eau potable et les retards des soldes rendirent les équipages mécontents dés le début de la campagne. Ils s’étaient habitués à l’administration efficace de Pierre Landais et rechignaient à combattre dans ces conditions. Pendant le mois de juillet, Yann de Ranrouët réussit à tenir ses troupes et à maintenir une certaine entente, même si les problèmes s’empilaient peu à peu. Partis en croisade, les Portugais n’acceptaient pas la présence de mercenaires qui se battaient pour l’argent et non pour la foi. Les bretons, eux, n’acceptaient pas d’être tenus à l’écart de la vie sociale du camp et d’être méprisés. Après trois semaines de siège, la cité tomba le 24 aout.
L’entrée dans la cité tourna rapidement à l’hallali. Alors que les bretons appliquaient leur pratique habituelle, foncer vers le centre de la ville, bloquer les rues les plus opulentes et les vider consciencieusement en les interdisant aux autres pillards, les portugais s’attaquèrent aux mosquées et à la population. Trois semaines de privations avaient transformées l’armée croisée. La haine de l’infidèle et du pirate barbaresque dominait les esprits. A la fin de la soirée, il ne régnait pas dans la ville le silence pesant des cités vaincues. Les bretons et leurs butins étaient au beau milieu d’un maelstrom de hurlements, de gémissements, de rires obscènes et de cris de furies. L’armée entra en ébullition. Les hommes laissés sans ordre dévastaient la ville, se servaient en objets, en femmes, en filles et même en garçons. Quelques bretons se joignirent au chaos, la plupart restèrent pour défendre les rues qu’ils contrôlaient. Ils durent jouer des poings et de la dague plusieurs fois pour que les pillards aillent vider leur rancœur ailleurs. Les soudards visaient particulièrement les lieux de culte. Certaines mosquées furent prises d'assaut sans attendre la sortie des habitants qui s’y étaient réfugiés, d’autres détruites pierre par pierre, la plupart souillées. Vers midi, alors que la chaleur accablait les derniers Portugais éveillés, Yann rassembla sa compagnie et décida de regagner le camp. Comprenant que les mercenaires allaient s’en aller, les musulmans dévoilèrent leurs dernières cachettes pour se faire escorter hors de la ville. A l’approche des portes de la cité, le groupe de mercenaires et de citadins fut confronté à une bande de maraudeurs qui voulut s’en prendre à leur butin et aux habitants. Bretons et Portugais échangèrent des menaces et les épées sortirent des fourreaux. L’arrivée inopinée de chevaliers de Malte permit de calmer les esprits. Ils ramenaient d’anciens captifs chrétiens. Se mettant à leur service, Yann de Ranrouët réussit à extraire sa compagnie et ses réfugiés des ruines d’Assilah. Dés les portes de la cité franchies, les marocains s’égayèrent dans la nature.
Assilah, forteresse portugaise construite à Assilah après 1471 qui contrôlait le détroit de Gibraltar.. |
La vielle ville d'Assilah au XXè siècle. |
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