Lorsque les Malouins avaient envahis l’ile de Wight, les
Londoniens avaient réagi avec énergie et détermination. Nombre d’entre eux
s’étaient engagés dans les équipages de la flotte. Edouard IV, roi d’Angleterre et
Seigneur d’Irlande, avait chevauché immédiatement jusqu’à Portsmouth mobilisant au
passage toutes les bonnes volontés qu’il rencontrait. Si le raid avait fait
craindre une invasion, la défaite à Calais du 23 juillet rendit la menace parfaitement
crédible pour nombre d’habitants du sud de l’Angleterre. Un sentiment d’effroi
se répandit dans les campagnes et dans la ville de Londres. Les Français
arrivaient. Le Roi prit des mesures d’urgence. Il ordonna de réquisitionner les
meilleurs navires marchands présents dans la Tamise et de maintenir les milices
en armes jusqu’à l’arrivée des vents violents d'automne. Le Parlement accepta
de financer ce nouvel effort. Dans le Kent, le Sussex, et le Hampshire, la
population resta en armes toute la saison, s’entraînant et surveillant
constamment le littoral. Si elle aperçut de temps en temps un navire battant
croix noire ou fleur de lys, elle ne vit jamais une flotte arrivée sur les
côtes et débarquée une horde de Français ivres de vengeance. Fin septembre, une
violente tempête annonça la fin de l'été et des grandes opérations
maritimes. Edouard démobilisa ses troupes et espéra passer l’hiver
tranquillement à remettre en ordre flotte et défense. Mais les grognements se
développaient en Angleterre et la populace manifestaient publiquement son
dédain pour le roi. En raison des fortes pertes navales, des réquisitions et
des troubles dans le commerce, Londres, Douvres et Calais connurent quelques
incidents publics. A l’hiver, même s’il avait ramené un semblant de
calme, Edouard avait mauvaise réputation et l’arrivée d’émissaires français et
breton n’avait rien arrangé.
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Représentation de la Tour de Londres au XVè siècle. |
La flotte bretonne revint dans ses ports rapidement après la bataille de Calais. André
de Lohéac succéda à son compère Jean Quelennec dit le Vieux et on lui donna
immédiatement le surnom de son prédécesseur. Se considérant comme trop âgé,
André ne souhaitait plus prendre la mer. Mais, il fut nommé Seigneur de la Mer
en charge du maintien et de la direction générale de la flotte bretonne. Ce
titre supplantait celui des Amiraux de Bretagne. Le Seigneur de la Mer siégeait
à Port-François et menait les services et la stratégie de la marine bretonne.
Il était aussi le président du conseil de guerre de Bretagne en l’absence du
Duc. Quelennec le Vieux, malade, se retira et mourut aux premiers frimas. Pour
lui rendre hommage, André de Lohéac nomma un des nouveaux navires de son prénom : Le Vieux Jean, caraque de guerre de trente canons servie dans
la marine bretonne jusqu’en 1540. Le duc promut Quelennec le Jeune au rang de vice-amiral,
sans lui accorder les droits de l’amirauté qui revinrent au
Seigneur de la Mer. Yann de Ranrouët prit en charge la Grande Escadre de
Morlaix qu’André de Lohéac porta à 40 navires. A Port-François, Quelennec le
Jeune commandait 10 bâtiments de la dernière génération. Il était chargé de
leurs entraînements et de leurs améliorations. André de Lohéac voulait ainsi
sanctuariser le Golfe de Gascogne et la Mer d’Iroise tandis que la Grande
Escadre devait bloquer toute pénétration anglaise dans les eaux de Bretagne. Il
entama aussi une étude des différents ports de la Bretagne Nord car depuis deux
ans, le port et le chantier de Morlaix étaient constamment surchargés. Il
fallait trouver un site approprié pour y développer un Port Ducal. Enfin,
cannibalisant les prises anglaises et grâce aux fournitures navals en
provenance de la Hanse, le Vieux réussit à porter la flotte bretonne à 60
navires. Elle comprenait dix caravelles garde-côtes, 8 caravelles d’escadre et
42 carvels, nom que le vieux attribua aux nouvelles caraques de guerre. La
flotte bretonne passa la fin de l’été à patrouiller la Manche mais surtout à
réparer les navires endommagés et à se réorganiser. Après l’équinoxe d’Automne,
Quelennec le Jeune emmena son escadron vers le sud. Il embarquait les
ambassadeurs du Duc auprès des puissances ibériques et de la papauté.
A la fin aout, Louis XI décida d’envoyer des ambassadeurs en Angleterre pour demander une trêve. Depuis la bataille de Calais, il pensait qu’Edouard IV n’avait plus les capacités de mener des actions sur le continent pour au moins deux années. Les Irlandais et les Bretons faisaient le travail pour lui. Ils avaient battus une flotte anglaise et auraient le champ libre l’année prochaine dans la Manche et la mer d'Irlande. A la toussaint, il envoya au duc les financements pour la flotte de Bretagne ainsi que pour le recrutement des Bandes de Retz, Rennes, Vannes et Nantes. En Angleterre, Philippe de Commynes et Jean de Rohan, émissaires de Louis XI et de François II, rencontrèrent de nombreuses résistances. Pourtant, Louis XI ne demandait qu’une trêve de plusieurs années et le Duc de Bretagne le contrôle des iles anglo-normandes. Mais, les Anglais ne désiraient pas la paix. La situation financière et militaire du royaume d’Angleterre était difficile. Cependant, le peuple, les marchands et la noblesse ne pensaient qu’à obtenir réparations de la France et de la Bretagne pour les pertes humaines, territoriales et navales des années précédentes. En décembre, lors d’une audience royale, Edouard IV demanda non seulement le retour des iles anglo-normandes mais aussi, celui de l’Irlande sous l’autorité de son seigneur légitime. En coulisse, il déclara que cette déclaration avait juste pour but de calmer la rue et qu’il était prêt à continuer les pourparlers. Philippe de Commynes et Jean de Rohan étaient sceptiques car ils connaissaient les préparatifs navals et militaires qui se déroulaient dans la Tamise et à Douvres. Apprenant cette situation, le roi de France décida d'employer toutes les armes diplomatiques dont il disposait. Le 18 décembre, trois courriers partirent le long de la Seine, vers la Manche.
Le Palais Royal du Louvre au XVè siècle, représentation tirée des Richesses Heures du Duc de Berry. |
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